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  • : Le blog du Mensékhar
  • : Présentation et publication intégrale de mon ouvrage de science-fiction appelé le Mensékhar
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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 19:58

 

         Adonis n’avait pas écouté les quelques mots que le vieil homme avait murmurés. Il avait bondi de sa chaise et s’était précipité en direction de la porte de l’hôtel, alerté les bruits en provenance de la rue. Après un bruyant moment d’agitation excessive dans l’artère à l’extérieur de l’hôtel, il ne percevait désormais plus le moindre bruit.

         Adonis examina la rue par l’une des fenêtres de la pièce et ne distingua rien de particulièrement anormal. La rue était très calme, beaucoup trop calme. Il ouvrit la porte et sortit sur le seuil, suivi d’Eden et de Khios qui l’avaient rejoint.

         - Qu’as-tu remarqué ? Demanda Eden alarmé par le comportement de son frère.

         - Ce calme, murmura Adonis. Ce n’est pas normal.

         Un lourd silence pesait dans la large avenue totalement désertique. Les badauds semblaient avoir fui subitement, abandonnant derrière eux toutes leurs affaires qu’ils n’avaient pas eu le temps d’emmener dans la précipitation.

         - Je ne vois rien d’inquiétant, dit Eden.

         Khios appuya Adonis.

         - Votre frère a raison, expliqua-t-il à Eden. Cette artère est l’une des plus vivante du niveau 58. Un événement grave a dû se produire pour disperser le va et vient incessant des promeneurs.

         Adonis poussa ses compagnons à l’intérieur de l’hôtel et ferma la porte en bloquant le mécanisme d’ouverture. Ils se rassirent à leurs places respectives et énoncèrent des théories pour expliquer cette singulière ambiance. De toutes les hypothèses qu’ils avaient pu émettre, seule celle d’Eden était quelque peu satisfaisante.

         - Wacé nous a peut-être retrouvés et aura fait barrer la route par sa police.

         Après quelques instants de réflexion, Adonis balaya définitivement cette dernière théorie.

         - Ce ne serait pas prudent de sa part. Barrer la route constitue le meilleur moyen pour nous avertir de son arrivée.

         - Tant que vous ne savez pas de quoi il retourne, il est plus raisonnable de rester dans cet hôtel, leur conseilla Khios.

         Les deux garçons approuvèrent. Eden avait été plus attentif aux propos de Khios et avait entendu quelques bribes de la dernière phrase du vieil homme sans toutefois les comprendre.

         - Que disais-tu à propos d’Etran avant qu’Adonis interrompe notre conversation ? Demanda-t-il au vieil homme.

         Eden en évoquant la réaction d’Adonis avait ri nerveusement, se forçant d’être de bonne humeur afin de détendre l’atmosphère. Son effet n’avait pas été convainquant et ses compagnons restèrent de marbre.

         Khios, qui avait raté son effet de surprise en révélant aux deux jeunes hommes qu’il était l’esprit d’Etran, décida d’aborder le problème d’une manière différente.

         - Comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure, les protonyx sont des créatures d’Etran, créées à partir de son sang.

         Adonis avait retrouvé le fil de la conversation. Tout était un peu plus clair dans son esprit. Il s’emballa.

         - C’est pourquoi le sang des descendants d’Etran leur permet de prendre le contrôle des protonyx.

         - Tout à fait, confirma Khios en ajoutant cependant une petite nuance. Tous les descendants d’Etran, excepté  un : l’Antiproèdre.

         - L’Antiproèdre ! S’exclamèrent Eden et Adonis en choeur.

         - Etran a mis en garde ses descendants contre le risque encouru si l’un d’eux devait mettre au monde deux fils. Il ne peut pas y avoir deux proèdres. Le premier né serait le Proèdre et le cadet serait l’Antiproèdre. Si ce dernier devait se faire mordre par les protonyx, il bouleverserait l’univers : il libérerait à tout jamais les monstres de toute emprise, leur permettant de détruire l’univers.

         - L’Antiproèdre est un être raté, se désola Eden.

         - Pas du tout, corrigea Khios. L’Antiproèdre ne possède aucun pouvoir sur les protonyx, mais il a hérité d’un trésor beaucoup plus précieux.

         Les yeux des deux garçons brillèrent de curiosité. Ils n’avaient jamais été aussi près de connaître les secrets de l’univers.

         Eden frémissait.

         - Quel est ce trésor ?

         Khios avait l’art de mener une conversation en passant d’un sujet à l’autre, ouvrant des parenthèses puis les refermant pour appuyer sa démonstration. Il estima qu’il était nécessaire de revenir sur les projets d’Etran.

         - Etran a fixé le monde tel que vous le voyez encore aujourd’hui, mais il n’était pas entièrement satisfait de son oeuvre. L’ordre instauré mettait fin aux guerres, mais il était impuissant à résoudre les autres fléaux inhérents à l’espèce humaine. L’Empire d’Etran était et est encore malade économiquement; la misère se développe partout. Le Premier Empereur a donc décidé d’attendre des milliers d’années le moment propice pour achever son oeuvre.

         Khios avait parlé d’une traite, sans respirer. Il arrêta son raisonnement pour déglutir la salive qui emplissait sa bouche. Adonis, de plus en plus attentif aux paroles du vieil homme, ne pouvait plus contenir son impatience.

         - Le moment propice pour achever quelle œuvre ?

         Invité par le jeune homme à s’expliquer, Khios reprit.

         - Avant d’être militaire sur Gayanès, Etran avait déjà devant lui une vie bien remplie. Etudiant à l’Elakil qui n’était alors qu’une simple école de science, il était devenu l’un des plus grands savants de l’Apanama. Les scientifiques se réunissaient déjà sur Okara pour mettre leurs recherches en commun et travaillaient sur de nouvelles armes. Certains d’entre eux prirent conscience des effets destructeurs des armes qu’ils créaient et rejetèrent la technologie. Ces naturalistes dont faisait partie Etran s’exilèrent dans les forêts qui entouraient l’Apanama et apprirent à contrôler les forces de la nature. Plus tard, ces sages chassés d’Okara par les scientistes s’installèrent sur la Planète-Mère qui venait d’être vitrifiée.

         Adonis avait déjà entendu parler de cette antique scission entre les savants de la bouche de son maître, mais Irz’gune ne lui avait jamais révélé que le Premier Empereur avait été l’un des leurs dans sa jeunesse. Cette nouvelle le remplissait d’aise.

         - Ainsi, Etran a-t-il été un sage.

         - Oui, confirma Khios, mais il ne partageait pas les vues extrémistes de ses frères. Après avoir découvert les secrets de la prescience et de la décorporation, Etran est parti s’installer sur Gayanès, la planète dont il était originaire. Doté de pouvoirs fabuleux, il visualisait l’avenir mieux que quiconque. C’est ainsi qu’il entrevit le Mensékhar.

         Khios interrompit de nouveau le fil de sa démonstration pour revenir sur le pouvoir des protonyx.

         - Ne vous êtes vous jamais demandé comment les protonyx qui étaient issus du sang d’Etran et avaient été construits mentalement par lui ont aisément pu lui survivre ? Demanda-t-il en interrogeant simultanément du regard Eden et Adonis.

         Cette question n’avait jamais effleuré les deux jeunes hommes. Adonis qui avait été initié aux forces de l’esprit par les sages en percevait un peu mieux les enjeux que son frère. Etran avait été confronté au problème inverse qui se posait avec la décorporation. Lorsque l’esprit se décorpore, il s’échappe du corps, mais il ne peut vivre indéfiniment sans lui, puisque lorsque le corps meurt, l’esprit n’a plus de réceptacle et se perd.

         Les protonyx s’étaient échappés du corps d’Etran, mais ils vivaient par son esprit. Ils auraient dû disparaître avec lui à la mort du Premier Empereur. Le cerveau d’Adonis s’échauffait. Ils auraient dû disparaître songeait-il, à moins que...

         - Je pense que le Premier Empereur a dû se décorporer avant de mourir et que son esprit s’est alors répandu dans les corps des protonyx, risqua t-il.

         - Tu n’es pas loin de la vérité, accorda Khios. Etran possédait un fabuleux pouvoir. Son esprit pouvait se décorporer à l’infini et se multiplier. Donnez-moi chacun une de vos mains et reproduisons le cercle de pensées de tout à l’heure.

         Les trois hommes s’unirent en posant chacun l’une de leurs mains sur celle de son voisin. Eden et Adonis fermèrent leurs yeux. Le film se déroulait devant eux, comme s’ils assistaient à la scène en direct. Etran se mourait sur un lit dans la chambre royale de son palais de Gayanès. Il ne rendit pas l’âme car celle-ci s’échappa de son corps un peu avant qu’il ne meure sous la forme d’un ectoplasme translucide. L’âme traversa l’univers en direction d’Iadès. Sur la planète rouge, elle explosa en des centaines de cristaux d’une incroyable transparence lumineuse qui intégrèrent chacun le corps d’un protonyx. Les animaux dotés chacun d’une conscience qui les animait pouvaient désormais survivre éternellement à leur maître.

         Khios ôta ses mains de celles d’Eden et d’Adonis, interrompant la projection des images.

         - Les protonyx en se reproduisant transmettent l’esprit d’Etran depuis des siècles, affirma t-il. Et je suis la Khios, « l’âme vivante d’Etran. »

         Cette révélation stupéfia les deux jeunes hommes. Eden n’hésita pas à contester les prétentions de Khios qui lui semblaient être inconcevables.

         - Tu délires, vieil homme. Comment l’âme d’Etran pourrait-elle se trouver à la fois divisée dans les protonyx et présente en dehors d’eux, une et entière ?

         - L’âme d’Etran vit dans les protonyx, accorda Khios, mais elle peut également posséder une existence propre. N’oubliez pas qu’elle est infinie.

         Pour étayer ses arguments, Khios modela son apparence à volonté. Sa forme humaine se brouilla en vagues de chair qui ondulaient et tournoyaient jusqu’à former une masse floue aux vagues contours humains.

         Il reprit une apparence humaine en se reconstituant à partir du corps. Le tronc se fendit en deux en son extrémité inférieure pour former des jambes, puis deux bras se détachèrent de la masse en effervescence. Seule la tête restait floue. Khios adopta une succession faramineuse de masques divers, exprimant tous les âges de la vie et les deux sexes. Le visage se fixa finalement dans les traits d’un personnage qu’Eden et Adonis avaient récemment découvert : Etran.

         - J’adopte l’apparence que vous voulez bien me donner, expliqua l’esprit.

         Adonis qui avait surmonté sa peur s’avança vers Khios mais n’osa pas le toucher.

         - Es-tu Etran ? Demanda t-il.

         - Pas vraiment, fit l’esprit. Etran est mort, je ne suis que son âme.

         - Quelles sont tes intentions ? S’enquit Eden.

         Le visage de Khios fit une mimique de compassion.

         - Je t’attends depuis des millénaires. Tu es l’Antiproèdre annoncé par le Premier Empereur. Tu es celui qui déclenchera le Mensékhar. Mais surtout, tu es celui qui concrétisera les projets d’Etran car tu es comme lui : ton esprit possède le don de se décorporer à l’infini.

         Adonis se souvint immédiatement des paroles qu’Irz’gune lui avait confiées à propos d’Eden. Il lui avait fait exactement les mêmes révélations que Khios. Les sages étaient-ils les exécutants secrets des oeuvres du Premier Empereur ? Il n’allait pas tarder à le savoir.

         - Mon maître Irz’gune s’intéresse également aux pouvoirs d’Eden. Il affirme que lui seul peut sauver l’humanité du Mensékhar et nous ouvrir la voie vers un Age d’Or.

         A l’évocation du nom d’Irz’gune, Khios s’emporta.

         - Les sages pervertissent les projets d’Etran. Ils veulent se servir d’Eden pour assurer leur propre gloire.

         Le visage d’Adonis d’habitude d’une blancheur presque maladive, s’empourpra des joues jusqu’au front. Le jeune homme ne pouvait pas tolérer que l’on noircisse l’image des saints hommes qui l’avaient élevé.

         - Les sages ne veulent que le bien de l’humanité, hurle t-il. Ils essayent de contrer le Mensékhar. C’est toi et l’Empereur que tu représentes qui souhaitent provoquer la destruction de l’univers.

         Khios restait très maître de lui, son calme tranchait avec l’agitation qui traversait Adonis. Les paroles sortirent lentement de sa bouche, impeccablement articulées. Elles tombèrent comme un couperet.

         - Il est encore trop tôt pour que tu puisses comprendre les projets d’Etran. Il te faudra d’abord t’affranchir de la tutelle des sages. Tu dois aussi savoir qu’Etran n’a jamais souhaité le Mensékhar, même s’il constitue le ferment d’un renouveau pour l’humanité. Etran n’a jamais rien fait pour provoquer le Mensékhar, il l’attend c’est tout.

         L’esprit du Premier Empereur s’était volatilisé sur ces dernières paroles. L’image de l’homme était devenue de plus en plus transparente avant de disparaître complètement de la pièce.

         Eden s’était senti totalement démuni avec la disparition de cette présence rassurante. Il en fit le reproche à Adonis.

         - Tu es fier de toi ? Comment allons-nous nous débrouiller tous seuls ? Il aurait pu nous aider à quitter Phylis.

         - Tu es bien naïf, gronda Adonis. N’as-tu donc pas remarqué qu’il s’agissait d’un mauvais esprit qui voulait nous faire tomber dans son piège ?

         - Peut-être, mais s’il avait raison ?

         Adonis n’eut pas le temps de répondre à Eden. Un sifflement aigu leur parvint de la rue, suivi par de violents coups portés contre la porte d’entrée de l’hôtel. En branchant l’appareil de contrôle qui visualisait la rue, ils eurent le temps d’apercevoir un protonyx blessé à la tête qui s’en servait néanmoins comme bélier pour enfoncer la porte. Des hommes armés s’approchaient derrière l’animal. Au premier rang, les deux jeunes hommes reconnurent le sparapet Wacé.

         La porte en métal se tordait sous les coups portés par le protonyx. Elle n’allait pas lui résister longtemps.

         - J’ai remarqué une porte de service derrière l’hôtel, expliqua Adonis à Eden. Je crois qu’il est temps de quitter ces lieux.

         Ils traversèrent la salle de restauration en courant, renversant les tables et les chaises qui se trouvaient en travers de leur chemin. Arrivés au fond de la pièce, ils traversèrent une petite cuisine. Adonis poussa de toutes ses forces sur la porte de service et fit irruption dans une ruelle. Eden le suivit de peu.

         A cet instant, la porte d’entrée sauta dans un déchirement d’acier.

 

Chapitre 28                                                               Chapitre 30

 

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