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  • : Le blog du Mensékhar
  • : Présentation et publication intégrale de mon ouvrage de science-fiction appelé le Mensékhar
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         Les trompettes venaient de mettre un terme au calvaire de la Doyenne. La remise des prix, son unique sortie en public, l’épuisait un peu plus chaque année. Cette fois-ci, elle avait été particulièrement éprouvée. Ses forces l’abandonnaient et elle savait au plus profond d’elle-même qu’elle venait de participer à sa dernière cérémonie de remise des diplômes.

  

         A cette idée, l’amertume la gagna. Non pas par dépit de ne plus pouvoir célébrer cette fête. Elle détestait tous ces étudiants, jeunes et pleins de vigueur, qui la traitaient, elle le savait bien, de vieille sorcière. Elle n’avait affaire qu’à des ingrats et elle en voulait pour preuve cet Adonis, son meilleur élément, qui avait refusé ses généreuses propositions de collaboration. Il avait préféré se retirer sur la Planète-Mère au lieu de mettre sa précieuse intelligence au service des savants qui lui avaient tout appris et auxquels il devait tout.

  

         Non, la Doyenne était amère car elle sentait qu’elle allait bientôt mourir. Tout son corps amoindri n’était que souffrance et cependant elle n’avait qu’une seule obsession : vivre.

 

         La vieille femme peinait à descendre les marches de l’escalier qui menaient à son laboratoire personnel. Son corps voûté pesait de tout son poids sur sa canne au pommeau d’or en forme de tête de lion.

 

         Elle maudissait l’Empereur qui l’avait obligée à se lever aux aurores pour avancer la cérémonie de remise des diplômes. Cette visite surprise de dernière minute de Sa Majesté ne lui convenait absolument pas mais comment aurait-elle pu l’éviter ?

 

         Ces derniers mois, l’Empereur, constatant que sa santé se dégradait sensiblement, avait accentué la pression qu’il exerçait sur les savants. A l’affût, il était devenu plus dangereux qu’une bête enragée, exigeant que le Projet Djed aboutisse au plus tôt. Il avait menacé l’Université dans ses privilèges multiséculaires s’il n’obtenait pas rapidement des résultats concrets. La vénérable institution risquait la fermeture pure et simple et l’Apanama pouvait perdre son indépendance pour être placée sous tutelle impériale.

  

         La Doyenne ne pouvait plus tergiverser et avait dû se résoudre à dévoiler une partie de ses projets. Dès qu’il en avait eu la primeur, l’Empereur avait désiré venir voir les résultats en personne.

 

         L’escalier étroit et sombre se terminait par une épaisse porte blindée. La Doyenne posa son œil droit devant une sorte de judas afin de permettre son identification. La machine décrypta les moindres caractéristiques de l’œil, de la pupille aux subtils dégradés de couleurs de l’iris qui, chez la vieille femme, variait d’un rouge sang au centre à un rouge plus clair aux reflets orangés aux abords des paupières.

 

         Une voix aux accents métalliques donna son verdict.

 

         - Processus d’identification terminé. Syris, Doyenne de l’Université. Accès autorisé.

 

         La lourde porte d’une épaisseur d’un mètre coulissa, cédant le passage à la Doyenne qui pénétra dans la pièce suivie de ses deux gardes du corps et de quelques savants.

 

         - Laissez la porte ouverte, leur ordonna-t-elle. Sa Majesté ne devrait pas tarder à arriver.

 

         La salle, dépourvue de fenêtres, véritable chambre forte, était intensément éclairée. L’objet de toutes les convoitises impériales, la dernière invention des savants, probablement la plus géniale qui leur avait été donnée de créer, trônait au centre de la salle circulaire. La Doyenne s’avança pour palper de ses mains calleuses la machine qui allait bientôt lui donner la vie éternelle. Comme elle peinait à marcher, un savant cru bon de la maintenir par le bras pour l’aider à se déplacer. En guise de réaction, la canne de la vieille femme fendit les airs et frappa l’homme en pleine tête. Il lâcha le bras de la Doyenne qui, propulsée en avant, se rattrapa dans sa chute en s’agrippant in extremis au rebord du lit.

 

         Combien de fois avait-elle rêvé de se coucher ici et de mettre en route le processus qui permettrait à sa conscience d’être éternelle ? Mais contrairement à l’Empereur, elle réfrénait son impatience, préférant attendre le moment propice.

 

         Elle maugréait contre ses acolytes.

  

         - Je peux marcher. Je ne suis pas encore grabataire.

 

         Syris caressa le matelas de la précieuse invention en se prenant à rêver. Non, pensa-t-elle. Elle devait résister à la tentation, il était encore trop tôt pour agir. La Doyenne traversa la pièce en direction d’un petit salon qui avait été aménagé dans un recoin du laboratoire entre deux ordinateurs photoniques. Là, elle s’affala dans un fauteuil qu’elle trouva beaucoup trop mou à son goût.

  

         - Je m’enfonce dans ce fauteuil et je ne peux plus me relever après, pesta-t-elle.

 

         - Nous pensions que ce serait plus confortable pour toi, s’excusa un savant.

 

         - Au contraire, j’ai besoin d’un siège ferme pour caler mon corps. Vous me changerez ce mobilier pour la prochaine fois.

 

         Epuisée par la cérémonie de la remise des prix, avachie dans un fauteuil inconfortable pour son dos, elle s’impatientait à attendre un Empereur qui ne venait pas. Il lui avait imposé cette entrevue, il ne respectait même pas ses propres horaires.

 

         - Sa Majesté va-t-elle enfin se décider à nous faire l’honneur de sa présence ? Soupira-t-elle.

 

         - Vous n’aurez plus à m’attendre, très chère Syris.

 

         Les têtes de la Doyenne et de ses acolytes se tournèrent en direction de la porte d’où était provenue cette voix légèrement impérieuse. La silhouette qu’ils apercevaient dans la pénombre de l’escalier leur était familière; elle dégageait une grande dignité. L’homme, très grand, mesurait près de deux mètres. Ses cheveux, noirs comme la longue cape qu’il portait, étaient rejetés en arrière. Du visage, ils ne distinguaient que de longues moustaches et un bouc auburn qui prolongeait le menton en pointe.

 

         Les genoux des savants heurtèrent le sol, Syris glissa de son fauteuil pour s’agenouiller à son tour. Cette position malmenait son dos, mais l’Empereur ne semblait pas disposé à y mettre un terme.

 

         Il pénétra dans la pièce, escorté par deux Immortels en armure, les soldats de sa garde personnelle, puis fit tranquillement le tour des lieux. Ce n’est qu’après cette succincte inspection qu’il se décida à relever ses sujets de leurs obligations protocolaires.

  

         - Sho Adar.

 

         Par ces paroles sacrées, il élevait ses sujets à son rang et leur permettait de se tenir debout en sa présence. Syris détestait cette étiquette emphatique qui contraignait quiconque à se prosterner à chaque apparition de l’Empereur. Ce cérémonial n’était cependant pas dépourvu de sens et Syris en comprit l’essence lorsqu’elle se redressa à l’aide de sa canne.

 

         L’homme qui se tenait debout devant elle lui était supérieur en raison de sa fonction. Il lui était supérieur, à elle et à toute l’humanité, car il descendait du Premier Empereur. Seuls les fils d’Etran comme on les appelait, pouvaient garantir l’équilibre du monde, grâce au précieux sang sacré qui coulait dans leurs veines. Sans empereur, l’univers était voué à sombrer dans le chaos et la destruction. Telle était la volonté d’Etran, le Premier Empereur et le maître incontesté des protonyx.

 

         - Je suis votre dévouée, Majesté.

 

         L’Empereur s’impatientait :

 

         - Venons en tout de suite à l’objet de ma visite. Je suis très pressé et je ne me suis éclipsé de la Cité Interdite que pour seulement quelques heures. Personne ne doit s’apercevoir de mon absence, ni même soupçonner les raisons de ma venue sur Okara.

  

         - Nous avons pris toutes les mesures de discrétion possibles.

  

         - Je l’espère. Comme je vous l’ai fait comprendre lors de votre dernière convocation à la Cité Interdite, je suis atteint d’une maladie inconnue et semble-t-il incurable. Mes maudits médecins sont incompétents et leurs diagnostics extrêmement réservés.

 

         L’Empereur souleva la manche de sa veste; ses bras étaient couverts de taches bleutées. La Doyenne était perplexe.

 

         - Ce sont de petits hématomes.

 

         - Mon corps en est couvert. Cela a commencé il y a six mois. Mes médecins pensent qu’il s’agit de petites hémorragies internes provoquées par un éclatement des vaisseaux sanguins. Mais ils n’ont pas réussi à en déceler l’origine.

 

         - Un empoisonnement ?

 

         L’évocation d’une telle éventualité par la Doyenne fit tressaillir l’Empereur :

 

         - C’est impossible, je fais goûter tous mes aliments.

  

         La Doyenne ne souhaitait pas inquiéter inutilement le souverain, mais les symptômes qu’il venait de lui décrire correspondaient parfaitement à ceux consécutifs à un empoisonnement. Il ne fallait pas non plus avoir beaucoup de connaissances en médecine pour savoir qu’un empoisonnement n’avait pas nécessairement une origine alimentaire.

 

         Des substances toxiques pouvaient être introduites dans l’organisme par les voies respiratoires, voire même par le toucher. De toute manière, cela n’avait pas la moindre importance. Une mort prématurée de l’Empereur ne viendrait pas contrarier les plans de la Doyenne, bien au contraire.

 

         - Quelle que soit l’évolution de votre maladie, le Projet Djed va pouvoir vous venir en aide, Majesté.

 

         L’évocation quasiment magique du mot Djed avait éveillé l’intérêt de l’Empereur; ses yeux brillaient intensément, tout excités par le désir. Son appétence était néanmoins teintée d’inquiétude; il savait désormais que sa survie pouvait être assurée, mais celle-ci dépendait uniquement du bon vouloir des savants.

  

         - Où cachez-vous donc cette fabuleuse invention dont vous m’avez tant parlé ?

 

         - Mais elle est ici, dans cette pièce même.

  

         L’Empereur se retourna pour scruter la pièce dans les moindres détails. A l’exception du petit salon dans lequel il se trouvait, tous les murs étaient couverts d’ordinateurs photoniques et d’appareils très sophistiqués de différentes tailles. Seul le lit dressé au centre de la pièce l’intriguait. Il ne comprenait pas la raison de sa présence dans ce laboratoire à la technologie si développée, même si son aspect dénudé laissait indiquer qu’il s’agissait plutôt d’un lit expérimental.

  

         - Je ne vois rien de particulier, si ce n’est cette couche sans intérêt.

  

         Syris sourit.

  

         - Si vous vous allongez sur ce lit, vous serez immortel.

 

         L’Empereur fronça les sourcils. Les propos de la vieille femme ne l’avaient pas vraiment convaincu.

 

         - Ne vous moquez pas de moi.

 

         - Ce n’est nullement mon intention, assura la Doyenne. Le processus serait trop long à vous expliquer. Daignez plutôt vous allonger sur cette couche. Vous allez vous endormir et quand vous vous réveillerez, vous serez à même de mesurer les enjeux de cette merveilleuse invention.

 

         L’Empereur s’approcha du lit et toucha la texture qui le recouvrait. En dépit d’une apparence de fermeté, la matière était douce comme de la soie et le matelas s’avérait être en réalité très moelleux.

 

         - Pourquoi faut-il que je dorme absolument ?

 

         - L’opération est délicate. Elle exige que vous soyez pleinement détendu, sans quoi votre cerveau pourrait subir de graves séquelles.

 

         L’Empereur était rassuré. Les savants n’avaient aucun intérêt à le tuer. Ses Immortels veilleraient à le venger immédiatement. Il s’assit sur le bord du lit, bascula une jambe puis l’autre. Avant qu’il ne s’allonge complètement, les savants posèrent sur sa tête un casque transparent.

  

         Il n’y avait pas d’oreiller, mais ce n’était absolument pas nécessaire. Le matelas se déformait, épousant les moindres formes du corps. Il s’avérait être encore plus confortable qu’un simple lit magnétique. L’Empereur se sentait bien, comme s’il était entièrement enveloppé dans un nuage de coton. Ses yeux se fermèrent lentement et il s’endormit.

 

         Syris commandait les opérations de son fauteuil :

  

         - Vous pouvez enclencher le processus de transfert des données.

 

         Les ordinateurs s’allumèrent et une sphère holographique apparut au milieu de la pièce, juste au-dessus de la couche. Elle ne diffusait aucune image, sa surface brillait seulement d’un bleu clair très profond. 

 

         Le casque transparent émettait des milliers de petites étincelles bleues, chargées de stimuler les neurones du cerveau impérial. Chaque cellule réagissait en émettant un signal photonique détecté par le casque puis enregistré par un ordinateur.

 

         Le bleu de la sphère holographique céda la place aux images. Toute la mémoire de l’Empereur, consciente ou inconsciente, défilait devant Syris et ses acolytes, en trois dimensions. Le processus était tellement rapide que d’autres sphères d’images s’allumèrent dans la pièce, diffusant chacune des scènes différentes : de l’enfance aux événements de la veille, voire même des fantasmes, des peurs et jusqu’aux rêves les plus intimes de l’Empereur.

 

         Un holograveur inscrivait toutes ces précieuses informations sur un prisme en cristal. L’opération durait depuis presque une heure, les informations défilaient de plus en plus rapidement sur les écrans, lorsque le graveur passa à la vitesse supérieure.

 

         Syris qui éprouvait peu d’intérêt pour la vie de l’Empereur regardait les écrans d’un air distrait. Il y avait tout de même de belles images à regarder et cela faisait passer le temps qui lui semblait long, beaucoup trop long.

 

         Une image puis plusieurs autres attirèrent son attention. Elle n’était pas sûre d’avoir très bien compris leur signification; les images défilaient comme un film en accéléré et le son avait été volontairement coupé pour éviter la cacophonie entre les différentes sphères holographiques.

 

         Il était impossible de revenir en arrière tant que le prisme n’aurait pas été entièrement gravé. De toute manière, la Doyenne ne tenait pas à être surprise par les deux Immortels présents dans la pièce tandis qu’elle fouillait dans la mémoire de leur souverain. Les soldats étaient nerveux et épiaient les moindres faits et gestes des savants. Syris jugea qu’il était plus prudent d’attendre le départ de ces indésirables pour satisfaire sa curiosité.

 

         L’enregistrement arrivait au bout des quarante-deux années de vie de Sa Majesté. Les ondes bleues, émises par le casque, diminuaient sensiblement, les images produites en trois dimensions dans les sphères holographiques ralentissaient. Les moniteurs ne montrèrent bientôt plus qu’une seule image; les paupières de sa Majesté qui se fermaient doucement. Les sphères holographiques privées d'images disparurent au même instant.

 

         Sur le lit, l’Empereur reprenait connaissance. Les savants coupèrent l’alimentation du casque avant qu’un afflux d’électricité trop important n’endommage irrémédiablement le cerveau impérial.

 

         Sa Majesté se redressa et fit face à la Doyenne.

 

         - Je me suis prêté à votre expérience et je ne suis pas immortel.

 

         - Votre conscience l’est désormais.

 

         D’un geste de la main, la Doyenne ordonna aux savants de visionner le prisme laser. Les souvenirs de l’Empereur défilaient les uns après les autres dans la grande sphère holographique qui était réapparue au centre de la pièce. L’agencement était chronologique. Devant ce spectacle, l’Empereur s’emporta :

 

         - Vous avez filmé tous mes souvenirs et alors. Ma personnalité ne se réduit pas à une simple sphère d’images.

 

         - Ce prisme n’est pas une simple copie de votre mémoire, protesta la Doyenne. Ce prisme, c’est vous. Il contient votre vécu et votre personnalité. Amenez-moi un homme jeune avec un corps en parfait état, nous l’allongerons sur cette couche, nous transférerons vos données dans son cerveau et vous prendrez possession de son corps et de sa jeunesse.

 

         L’Empereur réfléchissait très sérieusement à la question. Un sourire de contentement illumina son visage, mais très rapidement son expression se noircit.

 

         - Si je prends possession d’un corps plus jeune, je commencerai certes une nouvelle vie mais je ne serai plus en mesure de régner. Seuls les descendants d’Etran peuvent prétendre au trône.

 

         - Prenez le corps d’un autre descendant du premier Empereur, suggéra la Doyenne.

 

         - Mais il n’y en a qu’un seul à part moi, c’est mon fils unique.

  

         La Doyenne ne s’attendait pas à une telle réponse. Avait-elle surestimé l’aversion que l’Empereur ressentait à l’égard de son fils ? Si c’était le cas, cela contrarierait tous ses plans.

 

         - C’est malheureusement la seule solution à notre disposition pour vous permettre de conserver le pouvoir.

 

         - Mon fils est un incapable. Il est indigne de monter sur le trône d’Etran, mais de là à le tuer.

 

         L’Empereur tergiversait en attendant que la Doyenne lui donne une bonne raison pour balayer ses derniers scrupules. Elle ne se fit pas prier :

 

         - L’Empire a besoin d’un homme tel que vous, tandis que votre fils par son indolence peut le mettre en péril. Qui a parlé de le tuer ? Nous le transférerons dans un autre corps et vous prendrez ensuite possession du sien.

 

         L’Empereur Sheshonq exultait. Après tout, le devenir de son fils ne lui importait guère. Il devait reconnaître qu’il n’avait jamais ressenti la moindre affection pour cet enfant issu d’une femme qu’il n’avait jamais aimée. Il avait tout autant rejeté le fils que la mère qu’il avait épousée par convenance selon les usages de la Cour.

 

         - C’est prodigieux. Que dois-je faire pour renaître dans le corps de mon fils ?

 

         La Doyenne n’osait pas en espérer tant.

 

         - Amenez-moi votre fils ici, par m’importe quel moyen, et nous opérerons le transfert.

 

         - Ce sera fait.

 

         L’Empereur ne désirait pas s’éterniser sur Okara plus longtemps que nécessaire. Satisfait par ce qu’il lui avait été donné de voir, il quitta sans plus tarder la pièce, escorté par ses deux fidèles gardes du corps.

 

          La Doyenne congédia tous ses serviteurs et se tourna vers le tableau des commandes. Elle allait enfin connaître le secret que cachait l’Empereur, un secret si vieux qu’il ne devait probablement même plus en avoir le souvenir.

 

A l’aide de son index crochu, elle mit le lecteur du prisme de cristal en mouvement.

 

Chapitre 1                                                                      Chapitre 3

 

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