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  • : Le blog du Mensékhar
  • : Présentation et publication intégrale de mon ouvrage de science-fiction appelé le Mensékhar
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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 18:34

 

         Le vaisseau impérial ressemblait à un titanesque diamant, entièrement noir. Seuls quelques milliers de petits points lumineux illuminaient ce mastodonte et permettaient de le distinguer parmi les ténèbres de la voûte céleste.

         L’appareil, trop imposant pour atterrir sur une planète, se mit en orbite autour d’Iadès. La planète des protonyx était entièrement rouge, comme le sable et la caillasse des déserts qui la recouvraient intégralement.

         Sappho s’approcha du hublot de la cabine de pilotage et posa sa main sur la vitre comme si elle voulait toucher la planète. Tout en continuant à admirer Iadès la rouge, Sappho s’adressa à Oued resté derrière elle auprès des commandes.

         - Cette planète est belle, n’est-ce pas ?

         - Très belle, acquiesça Oued pour ne pas vexer la Princesse.

         Sappho décolla son visage de la vitre et traversa le poste de pilotage d’un pas sec et déterminé.

         - Je vais aller me préparer.

         - Veux-tu que je t’accompagne jusqu’en bas ? Proposa Oued.

         - Non, je dois aller affronter seule les protonyx. Je vais prouver à tout l’univers que je suis la digne fille d’Etran.

         La porte s’ouvrit sur le passage de la Princesse qui se dirigea à travers les couloirs en direction de sa chambre. L’intérieur du vaisseau impérial ressemblait à l’extérieur. Il n’y avait pas un seul mur droit. Les couloirs étaient de forme hexagonale, les pièces avaient des murs inclinés pour représenter l’intérieur d’un diamant.

         Une fois arrivée dans sa chambre, la Princesse quitta ses vêtements pour revêtir sa combinaison transparente qui lui permettait de conserver son corps à une température constante de 37 degrés. Ce type de vêtement était indispensable sur Iadès où la température au sol avoisinait les soixante degrés à l’ombre.

         Sappho quitta sa chambre. Les soldats qui la croisaient dans les couloirs ne pouvaient détourner leurs regards de ce corps nu enveloppé d’une robe transparente; la Princesse n’avait rien perdu de son goût immodéré pour la provocation.

         Au sortir d’un couloir, une passerelle l’emmena directement à l’intérieur d’un petit aéronef. Oued l’attendait déjà en compagnie d’un observateur dépêché par les savants de l’Apanama.

         - Quelles sont vos impressions, Princesse ? L’interpella t-il. Avez-vous peur de votre prochaine rencontre avec les protonyx ?

         La Princesse ne souhaitait pas se laisser importuner. Elle mit immédiatement les choses au point.

         - Je vous ai autorisé à m’accompagner sur Iadès pour vous permettre de témoigner des événements. Fichez-moi la paix si vous désirez faire partie du voyage.

         Le sas de l’aéronef fut bouclé et l’appareil prit son envol. Il s’éjecta des flans supérieurs du vaisseau impérial et se dirigea vers la planète rouge.

         Plus l’instant fatidique approchait, plus Sappho redoutait sa confrontation avec les protonyx. Elle avait beau être du sang d’Etran, ces animaux restaient des monstres hors du commun. Personne ne les avait vus de près, exceptés les empereurs, mais ils n’étaient pas le simple fruit de l’imaginaire collectif ; les protonyx étaient bien réels.

         Oued sentant l’angoisse de Sappho, prit la main de la Princesse. Ce contact la rassura et lui mit du baume au coeur.

         L’aéronef se positionna au-dessus d’une plaine désertique. Sappho se plaça au centre de l’appareil dans un cercle tracé sur le sol. Le cercle s’ouvrit et la Princesse descendit sur Iadès dans un faisceau lumineux perpendiculaire au sol comme une colonne.

         Le rayon disparut lorsque Sappho posa les pieds à terre. Un paysage incomparable s’offrait à elle. Une vaste plaine de sable rouge entourée de falaises ocres.

         Il régnait un calme reposant qui ne dura pas. En cette saison, Iadès était secouée par d’importantes tempêtes d’automne. Le vent se leva et balaya le sable rouge dans des tourbillons infernaux. Les grains de sable fouettaient la peau de Sappho, sa robe se dégrafa et claqua dans le vent.

         La Princesse rattrapa les pans de sa robe et la referma au niveau de la poitrine. Elle se mit en route en direction des falaises, les repaires habituels des protonyx. Elle ne distinguait plus l’aéronef au-dessus de sa tête. Elle était seule, livrée aux terrifiants protonyx.

         Ses pas s’alourdissaient en s’enfonçant dans le sable, le vent la faisait tournoyer comme une feuille morte. Le frottement du sable irritait sa peau. Sappho, épuisée, se laissa tomber à genoux dans la poussière rouge.

         La Princesse reprenait lentement son souffle. Le sable s’immisçait partout, dans les moindres recoins, n’épargnant pas la bouche. Les grains de sables crissaient entre ses dents et lui piquaient les yeux.

         Sappho eut un bref moment d’abattement et faillit faire demi-tour. Mais, reprenant quelques forces, elle se releva et marcha de nouveau droit devant elle. Elle n’avait aucune visibilité, mais elle savait qu’elle devait nécessairement atteindre une falaise, quelle que soit sa direction.

         Elle buta sur une pierre, puis une seconde la coupa légèrement sous la plante des pieds. Le chemin était de plus en plus rocailleux signalant la proximité de montagnes. Le sable se faisait de plus en plus rare sous les pieds de la Princesse, le sentier devenait plus escarpé.

         La tempête secouait moins de sable et Sappho bondissait aisément de rocher en rocher. Sa progression était ainsi nettement facilitée. La princesse pénétrait dans toutes les grottes qu’elle rencontrait, mais il n’y en avait pas une seule d’occupée. Les protonyx étaient invisibles.

         Sappho marchait plus tranquillement. Elle atteignait désormais le sommet des falaises et était à l’abri des nuées de sable rouge. Le vaisseau d’Oued n’était pas réapparu. Peut-être la cherchait-il dans une direction opposée ?

         La route tournait le long d’une paroi verticale et se rétrécissait dangereusement. Sappho craignait de tomber nez à nez avec un protonyx dans ce passage délicat. Mais la route s’élargissait à nouveau sans qu’elle ait fait la moindre rencontre.

         Un sifflement strident au-dessus d’elle, lui fit instinctivement lever la tête. Ce n’était pas le bruit du vent. Le monstre se dressait fièrement sur un rocher pourpre. Il griffait la pierre avec sa patte avant droite et remuait son cou pour agiter sa tête dans tous les sens.

         Avec ses griffes monstrueuses, il aurait aisément pu égorger un être humain. Mais sa tête était encore plus impressionnante. Montée sur un corps de lion au pelage jaune, la tête de reptile aux écailles vertes crachait une langue fine et dédoublée en son extrémité.

         La bête tuait avec ses petites dents incisives. Elle mordait pour injecter son venin mortel. Sappho reculait de quelques pas, mais elle n’avait pas peur. Le protonyx ne jouerait pas avec ses griffes, son instinct lui commanderait de mordre. Elle faisait face à la bête, fière et déterminée, attendant la morsure.

         Le protonyx épiait sa proie et ne semblait pas disposé à bouger. L’assurance de Sappho lui faisait-elle craindre un piège ? La Princesse changea de stratégie. Elle recula de quelques pas. Veillant à ne pas glisser sur une pierre, elle avait tourné sa tête en arrière. Lorsque le recul lui parut être suffisant, elle s’arrêta et rechercha le protonyx sur sa pierre.

         Il n’y était plus. L’animal silencieux se dressait juste devant elle, leurs deux têtes se faisaient face. Les yeux du protonyx, d’un rouge profond barré d’un trait noir horizontal,  étaient extrêmement brillants. Son regard n’était pas vague et Sappho crut y déceler une impitoyable cruauté. La bête frappa la Princesse avec sa patte, déchirant une partie de sa robe et la faisant tomber sur le sol.

         Sappho était dans l’incapacité de se relever. L’énorme patte exerçait une pression étouffante sur sa cage thoracique. La tête frappa en un éclair de seconde et mordit la Princesse au bras gauche.

         Le venin froid et brûlant s’écoulait dans ses veines, se répandait dans tout son corps. L’organisme de Sappho luttait contre l’intrusion de cette substance parasite, son sang libérait les anticorps d’Etran. La Princesse suait, son corps était traversé de secousses et se tordait de convulsions. Elle crut qu’elle allait mourir.

         Le protonyx en était convaincu lui aussi et relâcha la pression de sa patte sur l’abdomen de la Princesse.

         Sappho pleurait, ses yeux la brûlaient. Elle ne vit plus rien et crut pendant un moment qu’elle était aveugle. Les picotements sur sa rétine s’estompèrent, ses yeux devinrent froids puis insensibles comme s’ils avaient été anesthésiés. Les ténèbres dans lesquelles elle avait été plongée se dissipèrent et furent remplacées par un écran vert, opaque et lumineux.

         Des planètes multicolores défilèrent sur cet écran intemporel. Les astres étaient en perpétuelle évolution. Ils grossissaient, changeaient de couleur, explosaient dans un déchaînement de matière. Les étoiles dans leur folie boulimique détruisaient les planètes qui les entouraient. Lorsqu’elles étaient devenues énormes, elles se contractaient subitement sur elles-mêmes pour devenir de petites billes blanches.

         Sappho accédait à tous les secrets de l’univers. Elle assistait à la formation de la matière et de l’antimatière. Elle pénétra au coeur des atomes, découvrant chaque particule du cosmos.

         Le Mensékhar se déroula devant ses yeux. Elle assista à la reconstitution d’une des pires craintes de l’humanité : la fin du monde. L’équilibre de la matière était rompu, les protonyx s’affolaient, créant toujours plus d’antimatière. Ces cellules en surnombre balayaient tout sur leur passage, planètes et étoiles.

         Sappho comprit quel était le terrible secret des protonyx. Ces animaux étaient beaucoup plus évolués qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Ils étaient capables de sonder le mental et de contrôler la matière. Elle était désormais en mesure de les contrer.

         Les images disparurent et Sappho se réveilla sur son lit de caillasse. Le protonyx la regardait avec un air dubitatif. La Princesse se releva et regarda le pendentif d’Adonis qu’elle ne quittait plus. Les yeux rouges du protonyx d’or s’étaient éteints.

         L’animal tordit son cou de terreur, son visage de reptile se crispa de douleur. Il trembla devant sa maîtresse, la nouvelle Impératrice de tout l’univers. Le protonyx détala en bondissant par-dessus les rochers.

         Sappho resta seule sur cette montagne de pierres rouges. En prenant possession de cette planète, elle venait d’asseoir sa domination sur l’univers tout entier. Elle avait hâte de retrouver Oued et de lui raconter son expérience.

         La navette du Commandeur restait invisible. Le soleil tapait dur et Sappho décida de se mettre à l’ombre dans une cavité de la falaise. Elle entra dans une grotte peu profonde, mais fraîche. L’Impératrice s’assit sur un rocher, face à l’entrée de la grotte, afin de guetter l’arrivée de l’aéronef qui devait toujours la rechercher.

         Une petite voix dans son dos l’appela.

         - Sappho.

         L’Impératrice se retourna, mais elle ne vit personne. La solitude lui faisait-elle entendre des voix ?

         - Sappho.

         Cette fois-ci, elle se leva et examina attentivement le fond de la grotte. Elle ne vit personne.

         - Je suis là, fit la petite voix.

         Un petit homme, trapu, aux jambes arquées, souriant, le visage sec comme le désert d’Iadès avait surgi de derrière un rocher.

         - Qui es-tu, gnome ? Demanda l’Impératrice.

         Le nain était dépourvu de manières. Homme du désert un peu rustre, il se gratta sous le bras puis frotta ses cheveux hirsutes de sa main droite.

         - Je m’appelle Khios, pour vous servir, Majesté.

         - Je croyais que personne ne vivait sur Iadès.

         - Personne, confirma le petit homme. Personne, excepté le gardien des protonyx.

         Sappho n’avait jamais entendu parler d’un gardien des protonyx. Aucun empereur n’en avait fait mention. S’agissait-il d’un imposteur ?

         - Es-tu envoyé par Etran ?

         - Je suis l’âme d’Etran.

         - Tu es Etran ?

         - Non, je suis son esprit. Je ne suis pas de chair. Je prends l’apparence que tu veux me voir adopter.

         Le nain était vraiment laid. Sappho n’avait jamais eu l’impression d’avoir souhaité rencontrer un être aussi répugnant.

         - Mon frère ne m’a jamais parlé de toi.

         - Aucun empereur n’a eu le courage de le faire. Je suis le reflet de vos peurs les plus secrètes.

         Sappho comprit au fond d’elle-même que ce nain représentait la peur qu’elle ressentait à l’égard des hommes. Heureusement, Adonis l’avait libérée de cette angoisse.

         - Je n’ai pas peur de toi.

         - Je sais, tu es très forte. Mais tu crois avoir gagné la partie alors que tu vas tout perdre. Les hommes que tu méprises tant causeront ta perte.

         Sappho bouillonna de colère.

         - Maudit gnome. Tu es mauvais.

         Le nain avait perdu son sourire ludique pour adopter un rire moqueur. Sappho saisit une pierre et la lui envoya en plein visage. Lorsque la pierre toucha le nain, l’image s’évanouit instantanément. La grotte était à nouveau désertique.

         L’Impératrice s’échappa de la grotte et courut à perdre haleine jusqu’au sommet de la falaise. Elle s’arrêta au bord du précipice et, contemplant le vide pendant quelques secondes, aperçut sa mort.

          Sappho reprenait lentement ses esprits lorsque la navette d’Oued émergea de derrière la montagne. Le faisceau qui l’avait déposée l’aspira et l’emmena dans l’aéronef. La trappe sous ses pieds se referma, coupant ses derniers liens avec la planète Iadès.

         La trace de morsure sur son bras gauche indiqua aux occupants de l’appareil que les protonyx avaient été une nouvelle fois vaincus. Loin de se réjouir de sa nouvelle puissance, l’Impératrice paraissait être extrêmement choquée.

         - Comment vas-tu ? S’inquiéta Oued en la prenant sous le bras pour la soutenir.

         - Je vais très bien.

         - Es-tu sûre ? On dirait qu’il y a quelque chose de changé en toi.

         Sappho savait qu’elle ne parlerait jamais à quiconque de ce maudit nain. Cette rencontre lui laissait un goût amer. Le nain avait été cruel, mais elle savait qu’il avait affreusement raison.

         Les hommes finiraient par causer sa perte.

 

Chapitre 21                                                               Chapitre 23   

 

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