Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog du Mensékhar
  • : Présentation et publication intégrale de mon ouvrage de science-fiction appelé le Mensékhar
  • Contact

Visiteurs

 

Depuis le début du site, le nombre de visiteurs s'élève à :

   

Recherche

Archives

Catégories

28 septembre 2010 2 28 /09 /septembre /2010 20:40

 

La Planète-Mère qui s'appelait autrefois Terre est le berceau de l'humanité. Elle a été complètement abandonnée après la guerre inter stellaire qui s'est terminée par la victoire d'Etran et la création de l'empire galactique. Les villes de la Planète-Mère ont été atomisées les unes après les autres pendant cette guerre et la Planète-Mère, abandonnée par ses habitants, est revenue à l'état sauvage.

 

Les sages qui peuplent aujourd'hui la planète vivent en ermites, quelque fois en communauté. Ce sont avant tout des nomades qui parcourent leur vie durant la Planète-Mère de long en large.

 

Les sages de la Planète-Mère ont recueilli Adonis, abandonné à sa naissance par la reine des Amazones. Pendant son enfance et jusqu'à son douzième anniversaire, Adonis a suivi les sages dans leurs pérégrinations. Cette initiation impliquait un mode de vie spartiate, proche de la nature, dépouillé de tout confort naturel.

 

Les sages dorment à la belle étoile. Seuls les plus âgés d'entre eux avaient le droit, s'ils le souhaitaient, d'utiliser de petites maisons carrées aux murs et aux toits pyramidaux en pierre concassées. Bâties ça et là sur la Planète-Mère, elles disposaient d'une porte en guise d'unique ouverture.

 

Habitat Planète-Mère

 

Le point de ralliement des sages est une forêt millénaire de cèdres. Dans la  montagne la plus proche, ces derniers ont creusé des kilomètres de galeries afin d'y entreposer leur savoir. 

 

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2010 2 28 /09 /septembre /2010 20:08

 

La pélanine est une drogue dure fabriquée à partir d'une plante hallucinogène aux fleurs violettes.

 

Pélanine

 

La poudre violette qui est synthétisée à partir des fleurs est conservée dans de petites capsules transparentes. Consommée en petites doses, la pélanine provoque un état de bien-être intense et décuple la force et les capacités intellectuelles.

 

L'accoutumance à cette drogue est néanmoins très rapide et nécessite l'absorption de doses de plus en plus importantes. Les personnes qui se droguent à la pélanine meurent toutes de surdose plus ou moins rapidement.

 

La pélanine peut être administrée par n'importe quel moyen : par ingestion, par inhalation ou encore par injection.

 

En raison des ravages qu'elle cause parmi les différentes populations de l'empire galactique, la pélanine est strictement interdite à la vente comme à la consommation. La peine capitale est appliquée aux trafiquants.

 

Dans le chapitre 7 du Mensékhar, le sparapet Wacé profite de son statut aristocratique pour introduire de la pélanine au sein de la Cité Interdite, le centre du pouvoir impérial. Wacé espère pouvoir se servir de cette drogue pour déstabiliser ses ennemis les militaires.

 

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2010 2 28 /09 /septembre /2010 16:41

 

         Les factions, qui avaient supporté les compétiteurs de la Joute des Couleurs au bord du grand lac, s’affrontèrent dès le départ simultané de l’Empereur, de la Princesse Sappho et du Commandeur des Immortels.

         Les combats s’étaient très vite déplacés des tribunes, matérialisées par les milliers de pastilles de lévitations qui planaient de chaque côté du plan d’eau, vers le centre du gigantesque lac sacré.

Les courtisans des deux camps s’invectivaient et se bousculaient au-dessus des flots turquoise. Certains d’entre eux, malmenés, tombaient de leurs pastilles de lévitation et plongeaient tout habillés au milieu des flots. Il pleuvait des courtisans tout autour d’Eden et d’Adonis qui étaient demeurés dans l’eau du bassin.

         Les héros du jour qui avaient canalisé l’attention de toute la Cour pendant plus d’une heure avaient déjà été oubliés par un public ingrat, bien décidé à présent à en découdre avec la faction adverse.

         La sclérotique des yeux marron d’Eden rougissait au contact de l’eau salée du lac. Il fit quelques brasses en direction d’Adonis dont la tête trempée émergeait à quelques mètres de lui. Les yeux d’or du jeune homme étaient eux aussi irrités par le sel des eaux du lac.

         - Je crois que nous n’avons plus rien à faire ici, dit le Proèdre.

         - Allons-nous en, acquiesça Adonis.

         Les deux garçons regagnèrent ensemble la berge en crawl. Une fois sortis de l’eau, ils renoncèrent à se changer dans les loges prévues à cet effet en raison de l’agitation qui régnait tout autour d’eux. D’un commun accord, ils décidèrent de gagner le palais d’Eden à pied dans leurs combinaisons détrempées.

         La somptueuse demeure du Proèdre déroulait ses tourelles et ses terrasses au cœur d’une forêt de palmiers. Adonis suivit son nouvel ami dans ses appartements privés situés au dernier étage de l’édifice. Eden abandonna sa combinaison encore humide pour revêtir une tenue de lin sertie de diamants. Il invita Adonis à se changer à son tour :

         - Tu ne vas pas rester avec tes vêtements mouillés. Tu peux choisir la tenue qui te plaira dans ma garde-robe.

         - Avec plaisir.

         Adonis s’isola derrière un paravent pour se défaire de la combinaison noire qui lui collait à la peau. Une fois nu, il fouilla dans la penderie qui renfermait de véritables trésors. Adonis n’avait encore jamais vu de vêtements aussi luxueux. Il tâtait tous les tissus, ne sachant lequel choisir, tant ils étaient plus raffinés les uns que les autres. Eden, resté en retrait dans la pièce voisine, lui ôta ses derniers scrupules :

         - Tu peux prendre la tenue qui te plaira. J’ai plus de vêtements dans cette penderie que je ne pourrais jamais en mettre dans toute ma vie.

         Une tunique azurée aux épaulettes cousues d’or et aux boutons taillés dans l’ambre la plus pure attira l’attention d’Adonis. Les sages n’auraient certainement pas apprécié qu’il porte un vêtement aussi luxueux, mais la tentation était trop forte. Le jeune homme n’aurait sans doute jamais plus l’occasion de rivaliser avec autant d’élégance.

         Eden trouvait que la tunique seyait parfaitement à celui qui était encore son rival quelques heures plus tôt.

         - Je jurerais que ce vêtement a été fait pour toi, Adonis. Tu vas avoir un succès fou auprès des dames de la Cour.

         - Je te remercie, Prince Eden, mais je ne peux pas garder un costume aussi coûteux.

         - Tu m’offenserais en refusant ce présent.

         Eden s’était calé confortablement dans un fauteuil et examinait avec attention le garçon qui l’avait affronté lors de la joute nautique avec autant de détermination. Les deux jeunes hommes auraient dû être rivaux, ennemis même. Pourtant, il n’en était rien. Eden avait de l’estime pour ce garçon généreux.

         Le Proèdre faisait à présent parler son cœur. Point de longs discours, de paroles oiseuses, ou d’expressions interminables. Simplement une intuition : Adonis était sans nul doute l’ange bienveillant dont la rencontre lui avait été annoncée au cours de ce songe étrange si bouleversant.

         Les questions pourtant ne manquaient pas. Eden ne savait absolument rien de ce jeune élève des sages de la Planète-Mère. Il ignorait tout de ses origines, ainsi que de sa présence dans l’entourage de sa tante. Tout ce qui était en rapport avec la Princesse n’était pas nécessairement négatif. Elia en était la preuve. Eden avait été injuste avec la jeune femme, il ne désirait pas commettre la même erreur avec Adonis.

         Le Proèdre se leva de son siège.

         - Si nous allions nous promener dans les jardins. Nous pourrions y discuter en toute liberté. Tu as sans doute beaucoup de choses à me dire.

         La proposition de l’héritier du trône étonna Adonis. Après l’avoir rejoint sur la terrasse de la chambre à coucher, il lui confia son embarras :

         - Je ne sais pas quoi te dire. Après tout, nous ne nous connaissons que depuis quelques heures.

         - Justement, dit le Proèdre en descendant l’escalier extérieur qui menait à une petite allée ombragée. Parle-moi un peu de toi, Adonis. Qu’est-ce qui t’amène sur Gayanès ? Tu n’es pas un habitué de la Cour impériale.

         Adonis était arrivé au pied d’une tourelle à la façade recouverte de vigne vierge. Le jeune homme comprenait parfaitement bien où le Proèdre voulait en venir. Ce dernier souhaitait savoir à qui il avait affaire. Il voulait savoir si Adonis était un allié, ou bien un partisan de la Princesse Sappho.

Le jeune homme s’expliqua :

         - Ce sont les sages de la Planète-Mère qui m’ont envoyé sur Gayanès pour assurer ta protection.

         Le Proèdre remontait la petite allée bordée de palmiers en direction d’un massif d’ifs centenaires. Il faisait preuve de curiosité :

         - Me protéger, mais de qui ?

         - De la Princesse Sappho.

         Les branchages des ifs se déployaient comme une protection bienveillante au-dessus de leurs têtes. Le Proèdre s’adossa au tronc d’un arbre un peu incliné. La pâleur de sa tunique de lin contrastait avec ses cheveux ténébreux et ses yeux auréolés de noir. Il était parfaitement détendu et ses iris marron luisaient d’une étonnante vivacité d’esprit.

         Sa voix se teinta d’un brin d’ironie :

         - Les sages de la Planète-Mère s’occupent de politique à présent ! J’ai peine à le croire.

         - C’est pourtant la vérité, s’offusqua Adonis. Mon maître, Irz’gune m’a chargé de veiller sur toi et de te conduire sur la Planète-Mère. Là-bas, tu seras en sécurité.

         - Je ne pense pas que la fuite soit une solution. Quitter Gayanès reviendrait à laisser les coudées franches à Sappho. C’est comme si tu me demandais de renoncer au trône de mes ancêtres.

         - Mais ta vie est en danger. Les visions des sages sont formelles.

         Eden appréciait qu’Adonis se soucie autant de sa sécurité. Il n’osait cependant pas lui avouer que les visions des sages n’étaient pas les seules à lui entrevoir un avenir difficile. Eden étouffait littéralement sur Gayanès, épuisé par les incessantes intrigues de la Cour. Il se serait volontiers échappé quelques heures sur la Planète-Mère en compagnie d’Adonis, mais son père lui avait formellement interdit de quitter la planète impériale.

Le regard sombre du Proèdre trahissait ses regrets.

         - Je ne peux pas quitter la Cité Interdite, Adonis. Mon père a ordonné aux Immortels de m’empêcher de partir.

         - Pourquoi fait-il cela ?

         - J’ai désobéi à ses ordres. En me cloisonnant sur Gayanès, il pense pouvoir me surveiller plus facilement.

         Adonis plaignait sincèrement le Proèdre. Il se disait que tout l’or du monde ne valait certainement pas d’être sacrifié à la raison d’Etat. Une idée traversa son esprit.

         - J’ai un moyen pour te permettre de quitter Gayanès sans risquer de t’attirer les foudres de ton père.

         - Je suis curieux de savoir comment.

         - Je vais t’apprendre la décorporation.

         Eden éclata de rire. Il abandonna l’if sur lequel il s’était adossé pour se rapprocher d’Adonis. Il lui fit signe de continuer leur promenade en direction du fond du parc.

         - Je crois que tu risques surtout de perdre ton temps avec moi. Je ne suis pas un adepte des techniques des sages. Désolé !

         - Mon maître pense que tu as toutes les capacités requises pour maîtriser la décorporation.

         - N’insiste pas. Ton maître a dû se tromper. Cela arrive.

         - Laisse-moi te prouver le contraire.

         La ténacité d’Adonis commençait à porter ses fruits. Le Proèdre était prêt à se laisser prendre au jeu, tout content qu’il était de débuter une nouvelle amitié. Il était enfin disposé à mettre un terme à la terrible solitude qu’il subissait depuis son enfance.

         - Tu sais te décorporer, toi ? Se moqua-t-il.

         - Bien sûr.

         Eden était définitivement convaincu.

         - Alors montre-moi cela.

         Adonis ne maîtrisait la technique de la décorporation que depuis quelques jours. En outre, il n’avait encore jamais eu l’occasion de former quelqu’un. Le Proèdre était son premier élève et cela le rendait un peu nerveux.

         La leçon s’annonçait laborieuse. Adonis cherchait ses marques, mais il ne les trouvait pas. Il mélangeait les enseignements de son maître, son anxiété se communiquait à Eden qui manquait déjà de concentration. Le Proèdre faisait les exercices qu’Adonis lui conseillait du mieux qu’il pouvait, mais il n’obtenait pas les résultats escomptés.

         Après plusieurs heures de tentatives infructueuses, au cours desquelles il était passé par tous les stades de la concentration, le Proèdre s’était finalement senti partir comme s’il allait perdre connaissance. Croyant qu’il allait avoir un malaise, il s’affola et réintégra aussitôt le corps qu’il venait de quitter pendant une fraction de secondes.

         - Je crois que ça a failli fonctionner, dit-il, mais j’ai paniqué au moment où je sortais de mon corps. C’était une sensation à la fois agréable et angoissante.

         - Tu avais l’impression que tu allais mourir ?

         - Oui. C’est exactement ça.

         - Tu approches du but, s’enthousiasma Adonis. On va reprendre tous les exercices.

         Il commençait à se faire tard et Eden se languissait de regagner son palais pour dîner. Il tempéra l’ardeur de son ami :

         - Si on rentrait. Je suis fatigué. Je crois que je n’y arriverais jamais.

         La maîtrise de la décorporation nécessitait des prédispositions que ne possédait peut être pas le Proèdre. L’entraînement, en outre, pouvait durer des jours, voire des semaines. A cet instant, Adonis se remémora un enseignement de son maître qu’il avait oublié de mettre en pratique.

         - Je crois que j’ai compris. Pour réussir à te décorporer du dois de concentrer dans un endroit où tu te sens particulièrement bien. As-tu une préférence ?

         - Pas ce soir, dit Eden en lui opposant une fin de non-recevoir.

         - Très bien.

Adonis n’insista pas plus, craignant d’agacer le Proèdre. Il avait compris qu’il risquait de récolter l’inverse de l’effet escompté. Eden était fatigué, les exercices sollicitaient toute sa concentration. En outre, la joute nautique avait été éprouvante. Les deux garçons remontèrent finalement ensemble les allées du parc en direction de la demeure aux innombrables tourelles enchevêtrées.

         Le soleil de Gayanès se couchait derrière le massif montagneux que l’on apercevait de la Cité Interdite. Les palmiers prenaient des teintes cuivrées, la tunique naturellement blanche d’Eden arborait de splendides couleurs bronzées.     

         Les garçons aperçurent une femme, aux longs cheveux dorés balayés par le vent du soir, qui se tenait debout au sommet d’un petit monticule fleuri. Adonis reconnut immédiatement Chelséa. Il se demandait pourquoi cette jeune femme qui semblait l’espionner ne prenait même pas la peine de lui cacher sa présence.

         Cette apparition inattendue éveilla la curiosité d’Eden.

         - C’est ton amie ? Demanda-t-il.

         - Non, mais elle fait partie de l’entourage de Sappho.

         - Quoi qu’il en soit, elle est splendide. Sa fière allure est le signe d’un caractère bien trempé. Elle a les traits et le port des Amazones.

         - Tu crois ?

         - Je suis sûr que c’est une Amazone, insista Eden. En outre, son regard ne trompe pas. Elle tient énormément à toi.

         Le visage de Chelséa semblait impassible. Seul son regard doré, qui brillait en direction d’Adonis, trahissait de vagues sentiments ténus. Le jeune homme confia ses impressions au Proèdre :

         - Je lui ai avoué mes sentiments, mais elle m’a éconduit.

         - Alors c’est qu’elle tient vraiment à toi.

         La remarque d’Eden étonna Adonis. Le fait de refuser de s’engager avec un homme pouvait-il vraiment être interprété comme une preuve d’amour ? Cela semblait contradictoire.

         - Je ne comprends pas, fit Adonis.

         - Les hommes qui s’unissent aux Amazones ne survivent pas après le coït.

         Le jeune homme frissonna à l’idée que l’acte amoureux puisse entraîner la mort.

         - C’est horrible. Comment cela se fait-il ?

         - Selon certaines légendes, les Amazones décapiteraient leur partenaire pendant le coït à la manière des mantes religieuses. Selon d’autres racontars, leur aversion pour les hommes aurait une conséquence des plus fâcheuses. Leur vagin secrèterait un poison mortel qui se diffuserait dans l’organisme de leur partenaire au cours du rapport sexuel.

         La jeune femme avait soudainement disparu du monticule, comme si elle avait deviné qu’elle était devenue le sujet de conversation des deux garçons. Le tertre recouvert d’une longue pelouse semblait à présent bien anodin sans la présence de l’insaisissable jeune femme.

         - Quelle beauté sauvage, murmura Adonis la tête encore embrumée par l’apparition de cette vision fantasmagorique.

         Après cette brève distraction, les deux garçons reprirent leur chemin en direction du palais d’Eden. Une pagode à trois étages se dressait sur leur droite au milieu des palmiers. Elle était construite sur une terrasse carrée en pierres dont les faces étaient coupées par des escaliers axés selon les points cardinaux.

         Eden bifurqua en direction de cet édifice aux murs en bois exotique et aux toitures dorées si caractéristiques par leurs courbures. Il gravit les marches en pierre et poussa les battants en bois doré de la porte d’entrée.

         La pièce était dépouillée de tout mobilier, le plancher en bois craquait sous les pas des deux garçons, des baies vitrées opaques à petits carreaux conféraient une atmosphère feutrée propice au recueillement.

Eden humait les senteurs subtiles du vieux bois exotique.   

         - Enfant, je venais souvent ici en compagnie de ma mère. Cette pièce renferme les souvenirs des jours heureux.

         Mu par son instinct, le Proèdre s’était assis au centre de la salle et avait fermé les yeux. Ses muscles s’étaient détendus, son corps s’était assoupli. Il ressentait un intense bien être intérieur, des images de souvenirs agréables défilaient librement dans sa tête.

         C’est alors qu’il fut expulsé de son corps. Tel une fusée, il traversa les trois toits successifs de la pagode pour émerger dans le ciel pastel de la Cité Interdite. Le soleil rougissait à l’horizon, au-delà des montagnes, la clarté du jour illuminait de ses dernières lueurs les pâles jardins du palais impérial.

         Libéré de son corps, Eden se procurait de nouvelles sensations enivrantes. Il se laissait griser en se déplaçant à la vitesse de la pensée. L’ectoplasme d’Adonis qui venait de le rejoindre était tout sourire.

         - Je t’avais bien dit que tu y arriverais.

         - Tu avais raison, concéda Eden.

         - Tu vas très vite t’habituer à toutes ces nouvelles perceptions.

         - Je me sens léger, libre comme l’air. Il me suffit de visualiser un endroit pour pouvoir aussitôt m’y projeter. C’est encore mieux que tout ce que j’avais pu imaginer.

         Adonis transmettait succinctement les enseignements de son maître au Proèdre. Il lui parlait des déplacements à la vitesse de la lumière, de la traversée des passerelles de l’espace-temps, des changements de forme des ectoplasmes.

         Tout était possible. Ou presque.

         Les dernières paroles d’Irz’gune concernant Eden se bousculaient dans la tête d’Adonis : Il est le seul homme depuis Etran à posséder un esprit capable de se décorporer à l’infini. Qu’est ce que son maître entendait par là ? Comment un esprit pouvait-il se multiplier sans limites ?

         Un ectoplasme libéré de son corps pouvait à peu près tout réaliser. Il pouvait même se matérialiser et porter des coups. Adonis était venu à bout du Commandeur des Immortels grâce à ce petit stratagème.

         En revanche, Adonis avait conscience d’être parfaitement incapable de scinder son ectoplasme en deux parties tout à fait autonomes. Irz’gune pensait que seul Eden était capable d’un tel prodige. Le jeune homme, interloqué par les propos de son maître, regardait le Proèdre se déplacer dans les airs avec curiosité. Il hésita un instant, puis il prit la décision de tenter l’expérience qu’Irz’gune lui avait suggérée.

         Adonis fonça sur l’ectoplasme d’Eden à la vitesse de la lumière. Au lieu de traverser la silhouette vaporeuse, il fut aspiré dans un violent tourbillon dont la force centrifuge le maintenait de force au cœur des lymphes du jeune prince.

         Adonis percevait le désarroi d’Eden comme s’il ne faisait qu’un avec lui. Les sensations qui l’assaillaient le transportaient au septième ciel. Il n’y avait plus de commencement, plus de fin. L’espace tout autour de lui était empli d’une vision d’éternité.

   

Chapitre 13                                                                Chapitre 15

 

Partager cet article
Repost0
25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 19:40

 

L'empire galactique est composé d'une miriade de planètes disposant chacune d'un gouvernement autonome.

 

Cinq planètes font exception :

- Gayanès qui est la planète capitale de l'empire

- Iadès qui sert de repaire aux protonyx, les animaux sacrés de la famille impériale

- Okara qui est le siège de l'université galactique

- La Planète-Mère qui est peuplée de vieux ermites proches de la nature

- Caranus qui sert à l'entraînement et à la formation des militaires

 

Hormis ces 5 planètes, tous les mondes composant l'empire galactique sont gouvernés par des nobles héréditaires appelés sparapets.

 

Les sparapets résident le plus souvent sur Gayanès où chacun d'eux disposent d'un palais : ils y rendent compte de leur gestion à l'empereur. Ils disposent d'un tiers des sièges du parlement, les deux autres tiers étant dévolus aux savants et aux militaires.

 

La planète Phylis est gouvernée par Wacé, un jeune homme de 19 ans à l'allure racée, à la peau mate et aux longs cheveux bruns bouclés tombant sur les épaules.

 

Wacé de Phylis 

 

Au début du roman, Wacé est l'ami d'Adonis, ils ont passé 5 années à étudier ensemble sur la planète Okara. Par la suite, les liens vont se distendre entre les deux jeunes hommes. Adonis est sincère et entier, tandis que Wacé est ambitieux et intrigant.

 

Wacé est un agent double qui sert à la fois les intérêts des savants et ceux du Prince Eden, l'héritier du trône impérial. Wacé veut à tout prix empêcher la Princesse Sappho d'accéder au trône, ce qui renforcerait le pouvoir des militaires qui sont les principaux opposants à l'hégémonie des nobles et des savants.

 

La deuxième partie du roman, composée des chapitres numérotés de 20 à 38, intitulée "le souffle de l'esprit" se déroule pour l'essentiel sur la planète Phylis, accordant ainsi un rôle clé au sparapet Wacé.

 

Wacé est brillant, dénué de scrupules, mais trop jeune et inexpérimenté pour s'opposer aux projets de la doyenne de l'université. A force de jouer avec le feu, Wacé finira-t-il, tel Icare, par se brûler les ailes?

  

Partager cet article
Repost0
25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 16:45

 

La planète Bello qui abrite les redoutables guerrières Amazones a la particularité d'avoir deux soleils : un bleu, très grand et assez froid et un rouge, plus petit mais très chaud.

 

Soleils bleu et rouge de Bello2

 

Le climat de Bello dépend donc de la combinaison de ses deux soleils très différents.

 

Dans le chapitre 5 du Mensékahr, Adwa, la reine des Amazones explique à l'empereur Sheshonq pourquoi les Amazones sont contraintes de lancer des raids intermittents contre l'empire galactique.

 

C'est parce que Bello connaît une éclipse de soleil tous les 500 ans : le plus petit des deux astres qui est aussi le plus chaud disparaît derrière le plus grand. La température moyenne sur Bello baisse alors de 6 degrés, les lacs gèlent et la plupart des récoltes sont détruites. La famine menace.

 

Pour survivre pendant cette éclipse solaire, les Amazones sont contraintes au pillage. Les seuls mondes existants en dehors du leur étant tous fédérés à l'empire galactique, elles  mènent de brèves incursions en territoire ennemi.

 

La dernière guerre entre les Amazones et l'empire galactique s'est déroulée au début du règne de l'empereur Sheshonq. C'est au cours de ce conflit qu'une  courte idylle est née entre la reine des amazones et l'empereur de tout l'univers. De cet amour interdit est né Adonis, le héros du roman.

 

Partager cet article
Repost0
25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 16:27

 

         Adonis s’assit en croisant les jambes comme son maître le lui avait appris. Il s’ouvrait vers son intérieur, se détachant progressivement de son corps. Son ectoplasme, libéré de son aspect corporel, s’évada de la chambre en traversant le mur extérieur.

         L’esprit d’Adonis s’envola vers le ciel bleu de Gayanès, puis quitta l’atmosphère de la planète impériale. L’accélération prodigieuse de sa vitesse le transformait en un mince rayon de lumière qui traversait l’univers en empruntant les portes de l’espace-temps pour gagner en rapidité.

         Ses sens en éveil n’eurent aucun mal à localiser Irz’gune sur la Planète-Mère. L’ectoplasme du sage se promenait dans la vaste forêt des cèdres, au pied de l’imposante montagne de la bibliothèque.

         Adonis avait été intrigué, lors de son retour sur la Planète-Mère, en constatant qu’Irz’gune passait le plus clair de son temps à se décorporer. Le sage avait alors expliqué à son élève qu’il prenait de moins en moins de plaisir à vivre dans son organisme avec l’âge. La décorporation était pour lui un moyen de s’évader de son corps endolori.

         Irz’gune ne fut pas surpris en voyant son élève se poser devant lui.

         - Je t’attendais avec impatience, Adonis. Quelles sont les nouvelles en provenance de Gayanès ?

         Les deux ectoplasmes firent quelques pas côte à côte dans la forêt. Ils n’avaient pas le moindre contact corporel mais leur complicité restait intacte. Adonis était heureux de revenir chez lui. Il avait ressenti le besoin de s’échapper quelques instants de l’atmosphère pesante de la Cité Interdite et ce retour sur la Planète-Mère, ne serait-ce qu’en esprit, lui offrait une appréciable bouffée d’oxygène.

         - Je ne me sens plus capable de mener à bien ma mission sur Gayanès, avoua-t-il. Je ne suis qu’un jouet entre les mains de Sappho.

         - Ta mission est très difficile, Adonis, mais tu dois persévérer. Tant que tu seras sur la planète impériale tu devras obéir à Sappho. Après tu seras libre de t’affirmer. Pour l’instant, tout ce que tu as à faire c’est de veiller sur le Proèdre.

         - Voilà tout le problème. Dans quelques heures, je devrai affronter Eden au cours de la Joute des Couleurs. Que dois-je faire ? Tu ne m’as pas préparé à un tel dilemme.

         - Ce combat n’a d’importance que pour l’avenir des Blancs et des Noirs. Il ne mettra pas la vie d’Eden en danger. Ni la tienne d’ailleurs.

Irz’gune ne répondait que partiellement à Adonis.

         - Dois-je laisser Eden gagner, maître ?

         - Tu ne dois pas essayer de changer le cours des choses. Laisse agir le destin. L’issue de ce combat, quelle qu’elle soit, ne modifiera pas le sort de l’univers.

         Irz’gune suscitait plus de questions chez Adonis qu’il ne lui donnait de réponses. La mission dont il avait été investi sur Gayanès lui paraissait être de plus en plus indéchiffrable.

         - Tu savais que j’allais affronter Eden lors de la Joute des Couleurs. La Princesse Sappho m’a avoué que tu lui en avais parlé. Pourquoi ne m’avoir rien révélé à ce sujet.

         - Si je ne t’ai rien dit, c’est que tu n’avais pas besoin de le savoir. Cela aurait compromis ta mission.

         - Tu m’as dit qu’Eden devait sauver l’humanité. Mais de quelle manière ?

         - Je suis le maître et tu es l’élève, s’emporta Irz’gune. Je ne peux pas tout te révéler pour l’instant. Contente-toi d’exécuter mes consignes. Tu dois protéger Eden, un point c’est tout.

         La forêt, majestueuse cathédrale de verdure avec ses grands arbres aux branches déployées, était silencieuse. Les deux hommes s’arrêtèrent dans une vaste clairière de fougères. La discrétion d’Irz’gune étonnait Adonis. Il en ressentait même de la tristesse. Jusqu’à présent, son maître n’avait eu aucun secret pour lui.

         - Quel est ce risque qui menace l’univers et dont seul Eden pourrait nous préserver ? Ne serait-ce pas le Mensékhar ?

         - Pourquoi me poses-tu cette question, puisque tu en connais déjà la réponse ?

         - Parce que cela me parait incroyable. Si le Mensékhar menace de survenir, cela signifie que l’Empereur Sheshonq a engendré deux fils.

Adonis se félicitait. Comme il l’avait pressenti, sa question embarrassait son maître. Irz’gune savait quelque chose, mais il n’était pas disposé à partager ses informations. Il se permit cependant de faire quelques confessions.

         - Connaître l’identité du frère d’Eden ne te servirait à rien. Seul Eden, le deuxième fils de l’Empereur, nous intéresse en raison de ses caractéristiques génétiques particulières.

         - De quelle manière Eden pourrait-il sauver l’univers ?

         - Eden doit sauver l’humanité et non l’univers, corrigea Irz’gune. C’est très différent. Le Mensékhar annoncé par le Premier Empereur est inéluctable. Notre monde va disparaître et seul Eden peut permettre l’avènement d’un nouvel univers. Les Sphinx ne se sont pas trompés en le nommant à sa naissance. Par son nom, Eden est destiné à être un Paradis.

         Adonis fit une moue de désapprobation.

         - Comment peux-tu comparer cet odieux personnage avec le Paradis ? J’ai entendu de nombreuses rumeurs au sujet de l’héritier du trône impérial. Ce serait un adolescent attardé, incapable de régner.

         - Le deuxième proèdre n’a aucun pouvoir sur les protonyx, mais il possède une puissance bien plus importante. Il est le seul homme depuis Etran à posséder un esprit capable de se décorporer à l’infini.

         - Mais Eden ne sait même pas se décorporer, objecta Adonis.

         - Ta mission consiste justement à le protéger et à lui inculquer les secrets de la décorporation. Tu verras alors qu’il possède des pouvoirs extraordinaires. Lorsque que tu auras l’occasion de te décorporer avec lui, tu en profiteras pour pénétrer dans son ectoplasme. Tu seras assailli de sensations incomparables. Tu seras immortel.

         Adonis avait hâte de découvrir ces sensations. Mais sa mission lui semblait être plus que jamais irréalisable.

         - Il m’est difficile d’approcher Eden. Je suis au service de Sappho et par conséquent j’appartiens au clan opposé.

         - Cela n’a pas d’importance, les événements vont s’accélérer en ta faveur. L’Empereur va bientôt mourir. Au-delà, le Mensékhar brouille toutes mes visions prescientes, mais je sais que tu deviendras l’ami d’Eden avant que n’intervienne cet événement tragique.

         Adonis était satisfait d’avoir pu soutirer quelques précieuses informations à son maître. Il comprenait à présent un peu mieux les enjeux qui affectaient les forces de l’univers. Il espérait qu’il comprendrait les derniers points qui restaient à éclaircir quand il aurait fait la connaissance du Proèdre.

         Ses sens, restés en éveil, l’avertissaient qu’il était temps pour lui de regagner Gayanès.

         - La Joute des Couleurs ne va pas tarder à commencer. Quand nous reverrons-nous maître ?

          - Quand tu ne t’y attendras pas.

         L’ectoplasme d’Adonis se souleva très lentement du sol. Son esprit regagna la planète impériale à la vitesse de la lumière et traversa les galaxies par les passerelles formées dans l’espace-temps. Lorsqu’il passait par l’une de ces portes inter dimensionnelles, l’espace et le temps se déformaient et se contractaient. Autour de lui, tout devenait flou et extrêmement lumineux.

         A la sortie de la dernière passerelle temporelle, il émergea au coeur du système solaire de Gayanès. Il réintégra son corps en une fraction de seconde.

         L’ectoplasme d’Adonis avait regagné son corps juste à temps. La Princesse Sappho, plus fascinante que jamais, venait d’entrer à l’instant dans la chambre sans même s’être fait annoncer. Elle arborait une robe de soie rouge cousue d’or qui moulait admirablement sa silhouette voluptueuse. Elle tendit délicatement son bras au jeune homme en le fixant de son insondable regard gris.

         - La joute ne va pas tarder à commencer, annonça-t-elle gaiement. Me feras-tu l’honneur de m’accompagner jusqu’au lac sacré de la Cité Interdite ?

Adonis prit le bras de Sappho sous le sien. Ils passèrent la porte d’entrée du palais côte à côte, entourés d’une cohorte de gardes du corps. A l’extérieur du palais de la Princesse, tout autour du bâtiment du Grand Conseil, des milliers de pastilles blanches couvraient le ciel azuré de la Cité Interdite.

         Sappho et Adonis montèrent à leur tour sur un de ces disques et survolèrent les jardins exotiques en direction du grand lac. Cette pièce d’eau parfaitement rectangulaire s’étendait au nord du bâtiment du Grand Conseil. Sa surface était turquoise et limpide.

         Les Blancs et les Noirs se faisaient face chacun sur un côté du bassin. L’une des deux largeurs du lac servait de point de vue aux membres de la famille impériale et aux principaux ministres de l’Empire. Sappho déposa Adonis à terre avant d’aller se placer à côté de la pastille de son frère. En s’envolant, elle toucha quelques mots d’encouragement au jeune homme :

         - Je suis de tout coeur avec toi, Adonis.

         Adonis s’avança vers le stand de préparation des athlètes. Eden s’y trouvait déjà et enfilait une combinaison de la couleur de son équipe. Le vêtement l’enveloppait comme une seconde peau et sa blancheur tranchait avec le visage mat et les cheveux sombres du Proèdre.

         La combinaison d’Adonis fit disparaître le corps du jeune homme aux cheveux d’or dans une peau noire et satinée. Un serviteur lui présenta des sandales très légères qu’il passa à ses pieds. Eden avait enfilé les mêmes accessoires. Un coussin d’air, créé sous chacune des sandales, permettait à celui qui les possédait de se déplacer librement à la surface de l’eau.

         Les concurrents avaient pour unique arme, un long bâton fondu dans le même alliage que les sandales. Equipé d’un mini coussin d’air à chaque extrémité, il pouvait servir de perche en rebondissant à la surface du lac. Pour remporter le tournoi, il fallait faire tomber son rival dans l’eau. Cela exigeait une parfaite maîtrise de l’équilibre et des techniques de combat.

         Adonis soupesa le bâton; il était très léger. Il s’approcha du bord du bassin aux eaux turquoise et descendit les quelques marches dallées. Eden l’attendait déjà au centre du lac. Adonis posa un premier pied sur les eaux calmes du bassin. La surface de l’eau tremblota, mais son pied ne s’enfonça pas. Le jeune homme fit quelques pas pour s’habituer à cette nouvelle sensation.

         Il se demandait pourquoi Sappho n’avait jamais exigé qu’il soit entraîné dans des conditions réelles, sur une pièce d’eau. Il n’avait jamais fait de combats en dehors de la terre ferme. Ses premiers pas sur l’eau du lac répondirent à sa question. Avec les chaussures qu’il possédait, il lui était aussi aisé de se déplacer sur les flots que sur une surface solide.

         La tension était extrême dans les rangs des spectateurs. Les Noirs et les Blancs sur leurs pastilles s’épiaient chacun sur une berge opposée du lac. Ils avaient hâte de s’affronter par l’intermédiaire d’Eden et d’Adonis.

         Les joutes nautiques marquaient toujours un temps fort de la vie de l’Empire. Elles permettaient de canaliser dans une seule épreuve sportive toute la haine que les Noirs éprouvaient à l’égard des Blancs. Comme chaque année, les moyens de communication impériaux retransmettaient sur toutes les planètes de l’univers cette épreuve très populaire qui allait avoir cette fois-ci des répercussions politiques extrêmement importantes.

         Une majorité de la population était nettement favorable aux Noirs. Aussi, les nobles et les savants avaient-ils déployé leurs propres polices sur leurs planètes respectives pour prévenir toute émeute en cas de victoire des Blancs. Les deux précédentes victoires d’Eden avaient en effet provoqué de violents combats de rues sur les planètes les plus défavorisées de l’Empire.

         Le Proèdre dans sa combinaison blanche s’impatientait au milieu du lac. Il n’espérait plus voir Adonis arriver jusqu’à lui.

         - Tu ne sembles pas pressé de commencer les hostilités, Adonis, cria-t-il. Aurais-tu peur de perdre ?

         Adonis se familiarisait très rapidement avec ses nouvelles chaussures. La démarche hésitante des premiers pas cédait la place à une plus grande assurance.

         - Tu es bien impatient de recevoir ta correction, répondit-il.

         En guise de réponse, le Proèdre frappa Adonis avec sa perche. Le jeune homme, surpris, n’eut pas le temps d’esquiver le coup. Le bâton frappa son bras droit et la force du choc le déstabilisa dangereusement. Il dut faire appel avec son pied gauche pour ne pas tomber à l’eau.

         Eden avait profité de ce moment de flottement pour se précipiter sur Adonis et lui administrer un puissant coup de pied dans l’abdomen. Ce dernier résista fièrement et, se redressant immédiatement, para une nouvelle attaque du Proèdre avec sa perche. Le coussin d’air des chaussures du Proèdre rebondit sur l’arme, bousculant ce dernier en arrière. Par une habile pirouette, l’héritier du trône se redressa et retomba sur ses deux pieds au centre du lac. Les partisans des Bancs applaudirent l’exploit.

         Adonis n’avait jamais affronté un adversaire de ce niveau. Le Proèdre alliait agilité et rapidité dans un étonnant bal sur les eaux du lac. Adonis ne décelait aucune nervosité chez son rival. Eden était parfaitement maître de lui et portait des coups d’une précision redoutable.

         Adonis se demandait si son adversaire était aussi souple à la défense qu’à l’attaque. Le Prince Eden, repoussé une nouvelle fois en arrière, s’empêcha de tomber en prenant appui sur sa jambe droite qu’il recula légèrement. Il laissa ainsi son flanc droit à découvert. Adonis profita de cette erreur pour attaquer son adversaire en le frappant sur le côté d’un coup de perche. La main droite d’Eden, plus rapide, saisit brutalement la perche en l’arrachant des mains de son rival d’un coup sec.

         Adonis avait dû lâcher son arme pour ne pas être bousculé à l’eau. Dans les rangs des Noirs, la nervosité était à son comble. Sappho, dont la moindre réaction était épiée par son frère, masquait difficilement son inquiétude.

         Eden, tout sourire, tendit l’arme à Adonis.

         - Je te la rends. Je n’aurai pas de gloire à gagner dès le début de la joute.

         Adonis accepta l’arme avec soulagement.

         - Je te remercie, Prince. Mais...

         Adonis n’avait pas eu le temps de terminer sa phrase. La perche d’Eden, menaçante, s’abattait déjà sur sa tête. Il la dévia avec sa propre arme. Les deux perches s’entrechoquèrent dans un grincement métallique.

         Le combat était devenu beaucoup plus mobile. Eden et Adonis se déplaçaient très rapidement sur toute la surface du lac en s’affrontant à coups de perches. Les barres métalliques se heurtaient avec violence, servant tour à tour de moyen d’attaque et de défense. Eden, acculé dans un coin de la pièce d’eau, se dégagea en passant par dessous la perche de son rival.

         Le Proèdre s’était mis à courir sur toute la longueur du lac, talonné de près par Adonis. Ce dernier prenait plaisir à bondir sur les eaux turquoise à la poursuite de son adversaire. A chaque pas, au fur et à mesure qu’il se rapprochait d’Eden, il formait sur la surface du lac de petites vaguelettes de plus en plus importantes.

         Adonis allait rattraper le Proèdre quand celui-ci lui échappa subitement. Eden s’était servi de sa perche pour faire un bond au-dessus des flots. Dans les airs, il pivota sur lui-même pour surgir face à Adonis et lui barrer ainsi la route.

         Le jeune homme eut le réflexe de manier sa perche à l’instar d’Eden, avec quelques secondes de retard. Il s’envola à son tour dans les airs, évitant l’arme du Proèdre qui, ne trouvant pas de résistance, s’abattit dans les flots en faisant jaillir une gerbe d’eau.

         Eden, fragilisé, n’eut pas le temps de se retourner pour faire face à Adonis qui venait de se rétablir à la surface du lac. La perche du jeune homme cingla le Proèdre au niveau de la ceinture. Retourné par la violence du coup, il laissa échapper son arme qu’il brandissait au dessus de sa tête. Adonis la saisit en vol.

         - Très beau coup, admit le Proèdre dans un râle.

         Il respirait profondément pour reprendre son souffle violemment coupé par le choc administré par Adonis. Plié en deux, Eden avait la désagréable impression qu’il allait cracher tous ses intestins.

         Adonis lui proposa de lui rendre son arme, mais Eden rejeta sa proposition d’un geste de la main. Il s’expliqua :

         - J’ai un marché à te proposer. Que dirais-tu de continuer le combat sans nos armes, à mains nues ?

         Adonis agréa l’offre de son adversaire d’un signe de la tête. Il projeta avec force les deux perches le plus loin possible, en direction de la berge, où elles se plantèrent dans la pelouse comme des javelots.

         - Marché conclu, fit-il.

         Débarrassé des armes, le combat deviendrait beaucoup plus ludique. Il s’agissait de revenir aux origines du jeu, à savoir pousser l’assaillant à l’eau et non le rouer de coups.

         Les tribunes constituées de milliers de pastilles lévitées poussèrent des soupirs unanimes de déception. Les spectateurs qu’ils soient Noirs ou Blancs venaient avant tout pour admirer un combat acharné et non pas une simple manifestation sportive.

         Adonis jeta brièvement un coup d’œil en direction de la tribune officielle. La Princesse Sappho malaxait avec anxiété sa longue robe de soie. A ses côtés, l’Empereur grattait nerveusement sa barbe auburn et tirait régulièrement sur ses moustaches comme s’il voulait les allonger. Les pastilles de lévitation des courtisans de tous bords se heurtaient dans les airs, signe d’une crispation croissante.

         Eden rappela son adversaire à l’ordre.

         - Es-tu prêt, Adonis ?

         - Tu me préviens avant de commencer les hostilités, maintenant ? S’étonna-t-il.

         - Profite en bien, je n’en ferai pas une habitude.

         Débarrassés du poids de leurs armes respectives, les combattants avaient gagné en souplesse et en rapidité. Le combat gagnait lui en fluidité. Les deux garçons dominaient les eaux du lac chacun à leur manière. Eden esquivait les attaques de son adversaire dans une danse endiablée, tandis qu’Adonis bondissait dans les airs en exécutant des figures dynamiques.

         Hypnotisés par le spectacle, les courtisans oubliaient les enjeux de la compétition pour s’abandonner au plaisir du divertissement qui leur était offert. Les qualités des deux compétiteurs étaient reconnues unanimement par chacun des deux camps.

         Personne ne souhaitait réellement départager les deux garçons, tant ils combattaient tous les deux avec un indéniable savoir-faire. Le combat aurait encore pu durer longtemps si Eden ne s’était pas mis en difficulté en commettant une terrible maladresse.

         Le Proèdre, qui souhaitait venger l’affront de la blessure à l’abdomen qui lui avait été faite, décocha un violent coup de pied à Adonis. A la surprise générale, ce dernier retint le pied d’Eden en vol à l’aide de ses deux mains.

         L’assemblée retenait son souffle dans un silence de mort. Il suffisait qu’Adonis pousse légèrement le Proèdre pour que celui-ci tombe en arrière dans l’eau avec très peu d’espoir de pouvoir se rattraper.

         Adonis tergiversait. Que pouvait-il bien attendre ? Les pastilles de lévitation des spectateurs se rapprochèrent sensiblement des bords du lac pour mieux observer la scène. Les deux garçons étaient figés dans une position improbable où le pied de l’un était fermement maintenu en l’air entre les mains du second.

         Adonis hésitait toujours. Il pouvait faire tomber Eden, mais cela mettrait un terme au combat. Depuis le début de la joute, il avait ressenti une grande complicité avec le Proèdre. Contrairement aux usages, aucun des deux antagonistes n’avait recouru à des coups fourrés, particulièrement prisés dans ce genre d’épreuve. Les deux hommes s’appréciaient mutuellement et se manifestaient un grand respect l’un à l’égard de l’autre.

         Etait-ce parce que chacun d’eux avait trouvé en l’autre un adversaire à sa hauteur ? Ils étaient complémentaires dans leur façon de se déplacer et de se porter des coups. Ils luttaient à présent pour leur seul plaisir et n’avaient plus conscience des enjeux qu’ils représentaient.

         Adonis posa la problématique à Eden :

         - Il faudra bien que l’un de nous gagne ce tournoi.

         Pour les deux jeunes hommes, l’issue de cette joute n’avait plus aucune importance. Eden apporta sa réponse.

         - Pas nécessairement.

         Il attrapa les mains d’Adonis qui retenaient sa jambe avec les siennes et se laissa partir en arrière. Adonis, emporté par le poids du corps de son adversaire, fut déstabilisé. Il sombra dans les flots quelques secondes après Eden.

         Le commentateur s’égosillait dans les haut-parleurs des sphères holographiques de retransmission :

         - Citoyens de l’Empire. L’incroyable vient de se produire. Pour la première fois depuis des millénaires, la Joute des Couleurs se termine par un match nul.

         Les deux garçons émergeaient de l’eau tout sourire. Ils n’étaient pas mécontents d’avoir semé la pagaille dans une épreuve dans laquelle ils n’étaient finalement que de simples pions.

         La Princesse Sappho se déchaînait sur sa pastille de lévitation.

         - Les Blancs ont délibérément provoqué la nullité de l’épreuve. La victoire revient de droit aux Noirs.

         L’Empereur tenta d’apaiser les esprits.

         - L’issue de cette épreuve est inattendue, avoua-t-il gêné. C’est à l’arbitre de nous donner son verdict.

         Celui-ci était formel.

         - Match nul, cria-t-il.

         - C’est impossible, protesta Sappho. Eden est tombé à l’eau avant Adonis, il a perdu.

         Les deux partis de l’Empire s’invectivaient. Chacun d’eux était persuadé d’avoir remporté l’épreuve.

         - Que devient notre pari ? Demanda Sappho à son frère.

         - Comme il y a match nul, nous allons considérer que les deux parties ont gagné. La représentation des Noirs sera doublée au Grand Conseil, mais tu devras quitter la Cour.

         En voulant satisfaire tout le monde, l’Empereur déchaîna contre lui des protestations unanimes. Blancs comme Noirs le conspuaient.

         - Je ne reviendrai pas sur ma décision, trancha-t-il avant de se retirer, amer.

 

Chapitre 12                                                                 Chapitre 14    

 

Partager cet article
Repost0
24 septembre 2010 5 24 /09 /septembre /2010 20:01

 

         - Veux-tu jouer aux échecs avec moi, Adonis ?

         Sappho était entrée dans la salle dans un chatoiement de couleurs. Sa longue robe serrée comme une gaine au niveau de la taille formait un délicieux patchwork.

         Adonis arrêta ses exercices de concentration. Il s’entraînait sans interruption depuis le début de la matinée et son corps était fourbu. Il fut séduit par la proposition de la Princesse.

         - Ce sera avec plaisir.

         - Nous allons jouer dans ma chambre.

         La chambre à coucher de Sappho reflétait sa personnalité mieux que toutes les autres pièces du palais. Les murs étaient entièrement tapissés d’alvéoles marron comme dans une ruche. Une lumière continue et faible était diffusée à travers chacune de ces alvéoles, ce qui conférait à la pièce une ambiance feutrée. Un lit doré comme le miel et enveloppé de voilages transparents, trônait au centre de la pièce. Il constituait le seul meuble de la chambre en dehors d’un grand miroir sur pied et d’une table de jeux d’échecs accompagnée de ses deux fauteuils.

         Adonis et Sappho prirent place l’un devant l’autre sur les deux sièges. La Princesse avait choisi la place qui lui permettait de jouer avec les noirs. Avant l’arrivée d’Adonis sur Gayanès, elle s’habillait essentiellement dans cette couleur et cela depuis son plus jeune âge. Le noir et son côté obscur un peu mystérieux l’avait toujours irrésistiblement attirée.

         Depuis quelques temps, Adonis avait totalement changé sa façon de voir les choses, elle en était plus ou moins consciente. Désormais, elle rivalisait de couleurs chatoyantes dans l’unique but de plaire au jeune homme, ou du moins d’attirer son attention.

         Les pions de l’échiquier étaient d’un noir sombre comme la plus longue des nuits d’hiver. Un noir si profond que l’on avait l’impression de tomber dans un puits sans fond quand on les fixait longuement. Sappho voyait dans cette couleur le symbole de sa lutte à mort contre les Blancs du Grand Conseil.

         Adonis avança de deux cases le pion d’albâtre placé devant son roi. Sappho l’imita. A chaque fois qu’Adonis déplaçait une pièce, Sappho bougeait la même comme dans un effet de miroir. Son attitude agaça le jeune homme.

         - Les échecs nécessitent une stratégie, Princesse. En me suivant, vous vous privez d’initiative et vous avez toujours un temps de retard sur moi.

         - Peut-être est-ce cela ma stratégie, répondit-elle mystérieusement.

         Sappho ne sous-estimait pas Adonis, loin de là. Le jeune homme était doté d’une vivacité d’esprit et d’une clairvoyance exceptionnelles. Mais la Princesse était une maîtresse de la stratégie et de l’intrigue. Pour gagner contre ce garçon qui calculait chaque déplacement plusieurs tours à l’avance, elle devait parvenir à le surprendre.

         Au cinquième coup, Sappho déplaça un cavalier alors qu’Adonis venait d’avancer son fou. La Princesse venait de reprendre un tour d’avance. Elle venait d’adopter une stratégie offensive. Les attaques, appuyées par une solide défense, obligeaient Adonis à sacrifier des pièces pour protéger son roi.

         - Vous êtes sans pitié, Princesse.

         Sappho se réjouissait de l’embarras que manifestait son brillant adversaire.

         -  Tu étais trop sûr de toi. J’espère que tu ne commettras pas la même erreur lors du prochain combat nautique.

         Adonis était en difficulté, mais gardait son calme. Il ne céda pas à la panique, ce qui lui évita de commettre des erreurs comme Sappho l’avait espéré. La Princesse ne pouvait plus compter sur l’effet de surprise et Adonis résistait beaucoup mieux à ses attaques qu’elle ne s’y était attendue. Il prit la dame noire.

         - Vous avez crié victoire trop tôt, Princesse.

         Sappho perdait sa pièce favorite. Elle s’identifiait aisément à la dame, la pièce qui était selon elle la plus importante du jeu. Le roi, comme tous les hommes selon elle, n’était qu’un simple gibier à abattre.

         - Tu es encore trop sûr de toi, Adonis.

         Le jeune homme avait excessivement concentré son attention sur la dame noire. Sappho l’avait hypnotisé en déplaçant dans une danse frénétique cette pièce à travers tout l’échiquier. Adonis, en prenant la dame, ne s’était pas aperçu qu’il plaçait son roi en première ligne.

         - Echec ! S’écria Sappho.

         Adonis sacrifia une tour pour protéger son roi.

         - Echec !

         Le piège se refermait autour du roi blanc. La dame blanche dût se sacrifier à son tour, dépouillant Adonis d’une de ses dernières pièces maîtresses.

         - Je crois que la partie est terminée, fit-il.

         Sappho ne l’entendait pas ainsi. Elle avait l’avantage et souhaitait s’amuser avec son malheureux adversaire jusqu’au bout.

         - Tu n’es pas encore mat.

         Adonis, furieux d’avoir perdu la partie, voulut mettre fin à son calvaire. Il fit tomber son roi sur l’échiquier.

         - J’ai perdu. Nous arrêtons là.

         Sappho regretta de ne pas avoir mené la partie jusqu’à son terme, mais elle ne s’offusqua pas de la réaction excessive de son adversaire. Elle retirait suffisamment de satisfaction à l’idée d’avoir pu battre un jeune prodige de l’Elakil.

Face à elle, Adonis persistait à montrer sa mauvaise humeur. D’habitude, il prenait soin de cacher ses sentiments et de contrôler ses attitudes, mais cette fois-ci le naturel prenait le dessus. Le jeune homme était dans tous ses états à l’idée de s’être fait battre aussi aisément.

         Comme il est beau quand il est en colère, songea la Princesse admirative.

         - Pour me faire pardonner, je te propose de faire une promenade dans les jardins du palais, fit-elle.

         - C’est une bonne idée.

         Ils n’eurent pas le temps de quitter le palais. Alors qu’ils descendaient l’escalier pour gagner le hall de la demeure, Oued se présenta à l’entrée et demanda à être reçu en audience particulière par la Princesse.

         - Faites-le entrer, ordonna Sappho à ses domestiques.

         Le Commandeur fit irruption dans le hall et s’exprima d’une voix fébrile :

         - Tout se passe exactement comme tu l’espérais, Princesse. L’Empereur vient de demander à son fils de représenter les Blancs à la prochaine joute nautique.

         La Princesse descendit les marches dans un enchaînement de sauts gracieux, balançant nonchalamment ses bras le long de son corps. Elle poursuivit sa danse autour du Commandeur, souleva le long foulard qu’elle portait autour de son cou et en enveloppa le militaire.

         - Je me doutais que mon frère choisirait son fils pour concourir contre Adonis, mais je n’osais pas l’espérer, exulta-t-elle.

         - Ne te réjouis pas trop vite, fit-il en lui rendant son foulard. Ton frère a fait un choix judicieux. Eden est le plus à même de battre ton jeune protégé.

         - Tout se déroule comme je l’avais prévu. Douterais-tu de mes talents de stratège ? Je vois notre progression vers le pouvoir comme une partie d’échecs. Avant toute chose, le cavalier noir, représenté par notre cher Adonis, doit prendre le cavalier blanc. Il est grand temps pour nous d’en finir avec le Proèdre.

         Oued apprécia ce rapprochement avec les échecs.

         - Méfiance. Le cavalier blanc est une pièce importante, mais la dame blanche ne doit pas être sous-estimée.

         - Tu veux parler de la Doyenne de l’Apanama, je suppose. Cette femme est très dangereuse, mais nous ne pourrons nous dresser contre elle que quand nous serons arrivés au pouvoir. Pour l’instant, le cavalier blanc est le principal obstacle qui se dresse entre le trône et nous.

         Adonis descendait à son tour les majestueux escaliers en marbre blanc de l’entrée du palais de Sappho. Le jeune homme appréciait modérément la perspective d’avoir à affronter Eden lors de la joute nautique. Sa véritable mission n’était-elle pas au contraire de protéger le Proèdre à tout prix ? Les sages avaient-ils intégré cet événement dans leurs desseins ? Comment Adonis devait-il réagir ? Devait-il accepter ou non le combat ? Et s’il l’acceptait, devait-il laisser Eden gagner ?

         Il avait décidé de se décorporer à la première occasion afin de demander conseil à Irz’gune. Mais pour l’instant, il espérait que Sappho pourrait l’aider à répondre aux questions qui l’assaillaient.

         - Croyez-vous qu’il soit utile que j’affronte le Proèdre dans un combat singulier ?

         La question d’Adonis étonna la Princesse. La réponse pour elle allait de soi.

         - Mais bien sûr, cela parait évident. En remportant la joute contre le Proèdre, tu le ridiculiseras aux yeux de la Cour et il perdra le peu amour propre qu’il possède encore. Ton maître Irz’gune ne t’a-t-il pas expliqué tout cela ?

         - Mon maître a brièvement fait allusion à une compétition avec Eden. Mais il ne m’a jamais parlé d’une joute nautique.

         - Les sages de la Planète-Mère voient l’avenir avec une précision déconcertante, avoua Sappho. Tout ce que Irz’gune m’avait annoncé est en passe de se réaliser.

         Adonis se reprochait intérieurement d’avoir été aussi naïf. Sappho ne pouvait pas lui donner la réponse satisfaisante et rassurante qu’il attendait puisqu’elle ne poursuivait pas le même dessein que lui. La Princesse voulait se débarrasser du Proèdre, tandis que lui voulait le sauver.

Seul Irz’gune pourrait le conseiller sur la meilleure manière de contrecarrer les plans de l’ambitieuse Princesse. Son maître semblait en savoir bien plus qu’il n’avait consenti à lui en dire jusqu’à présent. Une explication avec lui s’imposait de toute urgence, avant que ne débute la joute nautique.

         Oued, quant à lui, s’inquiétait de plus en plus à propos de l’issue du combat. Contrairement à Sappho, il n’était pas vraiment assuré de la victoire d’Adonis. Eden n’était pas d’une constitution plus athlétique que son rival, mais il avait toujours remporté l’épreuve nautique contre de puissants champions. Il représentait un sérieux compétiteur  face à l’élève des sages de la Planète-Mère.

         - Es-tu sûr d’être le meilleur ? Demanda-t-il au jeune homme.

         Adonis intégra mentalement les principales caractéristiques d’Eden et en conclut que le Proèdre ne constituait pas un rival dangereux.

         - Le Proèdre ne me fait pas peur, affirma-t-il. Je dois reconnaître que durant ma première année d’études sur Okara, Eden était le seul étudiant à pouvoir me battre au combat. Mais depuis, j’ai énormément progressé.

         Le Commandeur exigeait plus que quelques bonnes paroles pour être convaincu.

         - J’aimerais en avoir la certitude. Es-tu prêt à m’affronter, Adonis ?

         Le jeune homme hocha la tête en signe d’approbation. Oued dégaina aussitôt son épée et en sortit la lame du manche. Elle était en plasma, un magma de plusieurs millions de degrés contenu dans le manche et qui prenait la forme d’une lame en présence d’un champ électromagnétique. Ultra chaud et résistant, il prit l’apparence d’une lame très tranchante. Oued se rua sur le jeune homme, son arme à la main.

         - Tu dois te défendre par n’importe quel moyen, je n’hésiterai pas à te tuer.

         L’épée aurait tranché la tête d’Adonis s’il ne s’était pas penché pour esquiver le coup.

         - Le combat est inégal, s’exclama-t-il. Je n’ai pas d’arme.

         - J’ai une épée, mais je suis moins fort que le Proèdre. Si tu parviens à me battre sans arme, alors tu le vaincras à son tour.

         Adonis recourrait à toute la souplesse de son corps pour éviter l’épée luisante qui s’abattait sur lui comme la foudre déchaînée déchirait le ciel. Handicapé par son imposante arme, le commandeur était lourd dans ses mouvements mais il portait des coups puissants. Adonis le contrait en lui opposant une intense mobilité.

         L’épée fendit le sol dans un éclat de pierres. Adonis profita du court instant pendant lequel l’épée était à terre pour frapper le bras du Commandeur de toute la force de son pied droit. L’arme voltigea dans les airs, puis finit sa course en allant se planter dans une dalle de granit qu’elle transperça comme du beurre.

         Adonis s’interposa entre le Commandeur et son arme. Oued, débarrassé de sa lourde épée, s’avéra être beaucoup plus rapide qu’auparavant. Adonis, pris de court, blessé par un violent coup de pied dans l’abdomen, tomba à terre, roula sur le sol pour se soustraire à la portée de l’Immortel, puis se redressa sur ses deux jambes, les bras croisés devant lui en guise de défense.

         Le coup porté dans le bas du ventre le faisait terriblement souffrir mais il se gardait bien de montrer le moindre signe de faiblesse. Il estimait que l’art du combat consistait pour une bonne part à impressionner l’adversaire.

         Oued extirpa l’épée à plasma du sol. Il modifia mentalement le champ électromagnétique, sculptant ainsi à volonté la forme de la lame de son arme. Le plasma se liquéfiait en se modelant et prenait à présent la forme incurvée d’un sabre de la meilleure facture.

         Adonis reculait devant Oued qui balayait indistinctement l’espace devant lui avec son arme. Le Commandeur cherchait à blesser le garçon, tout en paralysant la moindre possibilité d’attaque de sa part. Un seul contact avec la lame de l’épée à plasma pouvait s’avérer mortel, tant la chaleur dégagée était à même de sectionner les chairs et les os les plus épais.

A force de reculer, Adonis se retrouva coincé dos au mur. Le voyant acculé, Oued leva le sabre et frappa un coup violent en direction du visage de son adversaire.

         Adonis balança son torse de côté, laissant l’arme exploser contre le mur avec une violence inouïe. La lame en plasma se brisa et un morceau de magma informe tomba sur le dallage. Oued brandit ce qui restait de son arme sur le bout de magma. Coupé de son champ électromagnétique, ce dernier était revenu à l’état d’une coulée de lave dorée. L’arme brisée aspira le fluide répandu sur le sol et se reconstitua en l’espace de quelques secondes.

         Le combat pouvait continuer ainsi indéfiniment. Adonis décida d’y mettre un terme. Pour cela, il intégra les pratiques qu’il avait acquises auprès de son maître Irz’gune avec les techniques rigoureuses enseignées à l’Elakil.

         Adonis se décorpora, laissant l’ectoplasme de son esprit faire barrage entre son corps et le commandeur qui brandissait rageusement son épée. L’ectoplasme, matérialisé par la force de l’esprit d’Adonis mais toujours invisible, frappa Oued d’un puissant coup de poing dans l’abdomen. Sous la violence du choc, le soldat lâcha son arme et tomba à genoux.

         Adonis qui était resté concentré, les bras ramenés le long de son corps, sortit de sa torpeur. Son ectoplasme réintégra son corps en une fraction de seconde. Il bondit immédiatement sur Oued qui essayait de se ressaisir, puis écrasa les côtes de l’Immortel d’un coup de poing. Pour finir, il lui assena un coup de pied dans la tête.

         Adonis se jeta sur le Commandeur tombé à terre et enserra fermement sa tête à l’aide de son bras droit. Oued étouffait à moitié dans cet étau de chair et d’os. Il demanda grâce :

         - Tu as gagné, Adonis, mais s’il te plaît, laisse moi respirer.

         Adonis relâcha son étreinte. Le jeune homme triomphait de bonheur, tandis que la Princesse applaudissait son héros.

Oued se releva en s’aidant de ses mains. Sappho, tout sourire, le tança :

         - Tu n’aurais pas dû te frotter à Adonis. Es-tu convaincu maintenant ?

         Oued souffrait de contusions multiples, mais il savourait la démonstration du jeune homme. Adonis était le meilleur combattant qui lui avait été donné d’affronter.

         - Nous pouvons déjà nous préparer à gouverner, déclara-t-il en se prenant à rêver de gloire.

   

Chapitre 11                                                                 Chapitre 13  

 

Partager cet article
Repost0
24 septembre 2010 5 24 /09 /septembre /2010 15:54

 

En fondant l'empire galactique il y a un peu plus de 100 000 ans, Etran, le Premier Empereur, a choisi Gayanès comme planète capitale pour abriter les instances du pouvoir impérial.

 

Gayanès est la septième planète du système de Léandre. Elle n'a qu'un seul soleil, mais possède en revanche 3 satellites. Ainsi, la triple pleine lune sur Gayanès est un phénomène exceptionnel qui a la particularité de perturber les métabolisme des habitants de la planète impériale.

 

Triple pleine lune sur Gayanès

 

Les troupes d'élite de l'empire, les Immortels, au nombre d'un million de combattants, sont regroupés avec leurs familles au sein d'une forteresse colossale nommée le Toledo. Le Toledo est une mégapole alliant la rigueur propre à une caserne au luxe des palais qui servent de résidence à ces soldats choyés par le régime impérial.

 

La Cité Interdite, bâtie à proximité de cette garnison militaire, est une ville circulaire de 50 kilomètres de diamètre, entourée d'une enceinte en grès rose. La campagne environnante est parsemée de villes et de villages abritant les domestiques et les fonctionnaires qui viennent travailler tous les jours au sein de la Cité Interdite.

 

La partie extérieure de la capitale abrite la ville des nobles, une zone réservée aux patriciens membres du Grand Conseil (le parlement) qui disposent chacun d'un palais de fonction. Au coeur de la cité, une seconde enceinte circulaire en grès rose abrite le palais impérial, les résidences des proches parents de l'empereur, la salle du trône et le bâtiment du parlement.

 

La partie 1 du Mensékhar intitulée "le Maître du Trône", composée des 19 premiers chapitres du livre, se déroule pour l'essentiel sur la planète Gayanès. Adonis y est envoyé en mission par les sages de la Planète-Mère pour protéger le Prince Eden, l'héritier légitime du trône. 

 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 16:02

 

         Eden qui venait de raccompagner Wacé jusqu’à la porte d’entrée avait hâte de regagner la terrasse supérieure du palais afin de profiter de la fin de la journée en compagnie d’Elia. Depuis qu’il connaissait la jeune femme, il passait le plus clair de son temps avec elle.

         C’était la première fois de sa vie qu’une personne lui accordait un peu d’affection. Elia l’aimait et le couvrait d’attention. Eden trouvait chaleur et présence humaine auprès d’elle. Avec elle, il se sentait moins seul au monde.

         Quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il pénétra sur la terrasse et constata avec amertume qu’Elia n’y était plus. Il fut encore plus surpris en apercevant son père qui l’attendait debout, seul, au milieu de la terrasse.

         Il avait dû venir chez son fils, directement après avoir quitté le Grand Conseil. Il portait encore son costume d’apparat, une grande cape étincelante de pierreries multicolores. Un homme de son élégance qui changeait de toilettes plusieurs fois par jour aurait certainement revêtu une tenue plus sobre, mieux appropriée en perspective d’un entretien privé, s’il avait eu le temps de repasser par son palais.

         L’Empereur n’avait pas habitué son fils à des visites privées. Eden devinait que son père était venu le voir soit dans l’intention de lui faire de nouvelles remontrances, soit pour lui demander de lui rendre un important service. Des milliers de questions fourmillaient dans l’esprit du jeune homme.

         - Comment êtes-vous entré, père ?

         - L’un de tes domestiques m’a ouvert la porte. Nous avons ensuite dû nous croiser dans le dédale des couloirs de ton palais, car ton serviteur m’a fait attendre un moment dans le grand salon avant de me prévenir finalement que tu te reposais sur cette terrasse.

         Le domestique avait habilement manœuvré pour empêcher toute rencontre entre Wacé et l’Empereur.

         - Où est Elia ? Demanda Eden.

         - Je lui ai expliqué que je voulais m’entretenir seul avec toi. Elle a parfaitement compris la situation et s’est retirée dans sa chambre.

         Eden n’appréciait pas que son père se soit permis de le priver de la présence de sa dernière conquête. Il ressentait l’initiative de l’Empereur comme une sanction, mais il se gardait bien de manifester sa frustration.

         - Qu’avez-vous de si important à me confier, père ?

         - Je voulais te voir en privé pour deux raisons. En premier lieu, je voudrais que tu fasses preuve d’un peu plus de maturité à l’avenir. Ce safari sur Iadès est impardonnable, c’est la dernière fois que je couvre tes débordements. Une telle erreur de ta part aurait pu être exploitée par Sappho afin d’ébranler mon autorité.

         La discussion s’annonçait houleuse. Eden regrettait d’avoir caressé le fol espoir de croire que son père pourrait venir le voir dans le seul but de lui confier une mission de confiance.

         - Je croyais qu’Oued avait étouffé toute l’affaire, protesta le Proèdre. Il m’a expliqué que selon la version officielle, toutes les victimes de ce safari étaient décédées dans un tragique accident d’aéronef. Rassurez-vous, père, votre réputation sera préservée.

         - Il l’a fait à contrecœur. Il ne voulait pas que l’on se débarrasse des témoins.

         - Quels témoins ? S’étonna Eden. Je croyais que tous mes amis avaient été tués par les protonyx.

         - Il restait cinq survivants, avoua l’Empereur. L’un d’eux était grièvement blessé et n’a pas survécu. Les quatre autres auraient pu ébruiter toute cette histoire et me discréditer. Je n’avais pas le choix. A ton avis, comment réagiraient les notables de l’Empire s’ils apprenaient que l’Empereur n’a pas la moindre autorité sur son propre fils ?

         L’angoisse étreignit le Proèdre.

         - Que leur avez-vous fait, père ? Vous les avez fait tuer ?

         - Je ne suis pas un monstre. Ces jeunes gens ont été vendus comme esclaves aux Amazones.

         - Le sort que vous leur avez réservé est pire que la mort, s’insurgea Eden. Les Amazones ont la réputation d’utiliser les hommes comme reproducteurs puis de les tuer après le coït. Ces femmes sont de véritables mantes religieuses.

         - Ces bons à rien auront au moins servi à quelque chose, ironisa l’Empereur.

         - C’étaient mes amis.

         L’Empereur s’emporta. Il se mit dans une de ces légendaires colères noires qui terrorisaient généralement son entourage.

         - Ils sont beaux tes amis. Des inconscients et des irresponsables. J’ai évité le déshonneur à leurs familles. Les protonyx sont des animaux sacrés, ce sont les garants de notre dynastie. Nul n’a le droit de les chasser, encore moins de les tuer.

         - Vous m’écœurez, père. Vous osez prétendre avoir voulu sauver l’honneur de ces familles pour justifier vos crimes.

         Le Proèdre était profondément écoeuré par le comportement de son père. Il se disait qu’il n’avait vraiment aucun point commun avec ce monstre pathétique de cynisme qui avait fait preuve, une fois encore, d’une incroyable cruauté.

         - Tu apprendras que l’exercice du pouvoir requiert quelques sacrifices. De toute manière, tout ceci est de ta faute. Cela dit, en dépit de tous tes égarements, je suis venu t’accorder une dernière occasion de te racheter en te confiant une mission de toute première importance.

         Eden était sur la défensive. Il se demandait ce que son père allait bien pouvoir lui demander de faire. Allait-il devoir encore exécuter une sale besogne inavouable ?

         - De quoi s’agit-il ?

- Tu le saurais si tu étais venu assister à la séance du Grand Conseil de ce matin.

         - J’étais très occupé.

         Eden avait été très occupé avec Elia, ce qui valait mille séances du Grand Conseil avec leurs discussions oiseuses qui l’ennuyaient fortement. L’Empereur, d’habitude si prompt à blâmer son fils à la moindre incartade, ne souhaitait pas cette fois-ci s’attarder sur ce sujet de discorde.

         - Les discussions étaient houleuses. Ma soeur m’a ouvertement mis au défi de trouver un champion qui puisse battre le sien lors de la prochaine joute nautique. En cas de victoire de son héros, je me suis engagé à doubler la représentation des Immortels au sein du Grand Conseil. Dans le cas contraire Sappho s’engage à quitter définitivement la Cité Interdite.

         - Ma tante aurait-elle perdu l’esprit ?

         - Je ne crois pas. Je me suis bien renseigné. Adonis, le jeune champion qu’elle a choisi pour la représenter, est le meilleur élément de l’Elakil.

         Eden se dirigea nerveusement vers la balustrade de la terrasse en faisant mine de réfléchir. Après avoir regardé d’un air songeur les luxuriants jardins de la Cité Interdite, il se retourna et s’adressa à son père :

         - Cet Adonis était avec moi à l’Elakil en première année. C’était le meilleur d’entre nous mais je l’ai battu plusieurs fois en combat singulier.

         L’Empereur sourit de satisfaction. Il était venu voir Eden dans un but bien précis et il ne s’était manifestement pas trompé. Son fils, pensait-il, était un incapable tout juste bon à passer ses journées à faire du sport. Il était d’ailleurs très bon dans cette discipline. Eden avait remporté les deux dernières joutes nautiques contre les meilleurs champions des Immortels pourtant réputés invincibles. Il était naturel de penser à lui pour représenter les Blancs pour la troisième année consécutive.

         - Es-tu toujours aussi assidu à tes séances de sport ?

         - Je m’entraîne tous les jours.

         L’Empereur était définitivement convaincu. Son fils était sans nul doute le meilleur challenger d’Adonis. Eden venait sans le savoir de gagner quelques jours de sursis ; il était en effet plus prudent d’attendre la fin de la joute nautique avant de procéder à son enlèvement.

         - Je compte sur toi pour battre Adonis dans quelques jours. Nous devons gagner pour mettre fin aux agissements de Sappho, mais aussi pour préserver l’équilibre politique de l’Empire entre les Noirs et les Blancs.

         Eden n’osait pas y croire. Son père avait décidé de s’en remettre pleinement à lui pour décider du sort de l’Empire. Ses yeux, mouillés par des larmes de joie difficilement contenues, rougissaient en leurs extrémités.

         - Vous serez fier de moi, père. Nous allons administrer à Sappho une leçon dont elle se souviendra.

         - Je te le souhaite. Si tu l’emportes, tout l’Empire se ralliera à ton nom. Dans le cas contraire, Sappho sera plus puissante que jamais.

         Eden était arrivé aux mêmes conclusions que son père : seuls Sappho et Oued pouvaient contrecarrer son accession au trône. Le Commandeur serait bientôt assassiné par ses propres soldats et il ne tenait qu’à lui désormais d’éliminer son rival, le jeune Adonis, afin de causer la perte de sa tante.

         Pour la première fois de sa vie, Eden se sentait maître de son destin. Lui seul allait décider de l’issue de la partie qui se jouait entre les principales forces de l’Empire. Il allait enfin pouvoir faire ses preuves.

         - Je vais immédiatement commencer à m’entraîner, fit-il avec enthousiasme.

         - Et moi je vais aller prévenir ma chère soeur que son champion doit s’attendre à affronter un rival à sa hauteur.

         L’Empereur quitta la terrasse, laissant Eden songeur devant un rosier grimpant en fleurs. Il coupa une rose et en dégarni la tige de ses ronces. Il lui tardait de rejoindre Elia qui devait l’attendre dans sa chambre. Il souhaitait lui annoncer la bonne nouvelle.

         Eden retrouva la jeune fille dans sa chambre comme il l’avait espéré. Elia était allongée sur le lit et avait dû s’endormir. Son sommeil devait être particulièrement troublé; elle ne cessait pas de se retourner en marmonnant des paroles incompréhensibles.

         Le Proèdre se pencha sur sa compagne et lui offrit un baiser délicieux de fraîcheur. Elia ouvrit les yeux et se sentit immédiatement apaisée en voyant son compagnon lui sourire. Eden souleva quelques mèches de cheveux de sa compagne, puis passa la rose qu’il avait cueillie dans sa longue chevelure démêlée.

         - J’ai une très bonne nouvelle à t’annoncer, mon ange. Mon père souhaite que je représente les Blancs à la future joute nautique. Je vais affronter Adonis en combat singulier.

         - Tu as refusé, j’espère.

         La réaction négative d’Elia perturba profondément Eden. Il ne comprenait absolument pas pourquoi la jeune femme ne partageait pas son enthousiasme.

         - J’ai accepté au contraire. Pour quel motif valable aurais-je refusé la confiance que mon père daigne enfin m’accorder ? J’attends une reconnaissance de sa part depuis si longtemps.

         Le visage d’Elia s’était contracté dans une expression de terreur. Elle était particulièrement agitée et avait dû se lever du lit afin de se détendre un peu en faisant quelques pas dans la chambre. Elle supplia Eden en s’agrippant à son bras droit :

         - Tu ne dois pas combattre contre Adonis. Je viens de faire un songe. J’ai rêvé que tu affrontais Adonis lors de la joute nautique et que tu perdais.

         Eden explosa de colère. Sa compagne venait de détruite en quelques secondes toutes les illusions de victoire qu’il avait osé entretenir.

         - Comment peux-tu dire une chose pareille ? Comment peux-tu oser affirmer que tu m’aimes alors que tu ne crois même pas en moi ?

         - Cela n’a rien à voir avec l’amour que j’éprouve pour toi, protesta-t-elle. Je ne suis pas responsable de mes visions. Je tenais simplement à te mettre en garde afin de t’éviter de commettre une grave erreur. Mes visions sont très claires, il n’y a pas de doute. Si tu n’affrontes pas Adonis, tu seras le futur empereur de l’univers. Dans le cas contraire, tu perdras le combat contre Adonis et Sappho succédera à ton père. Son plan est d’ailleurs bien préparé. Elle espère cette confrontation afin de te disqualifier.

         Eden restait sourd aux avertissements d’Elia. Il était persuadé qu’il était le seul à pouvoir battre Adonis. En lui ôtant ses illusions, Elia le trahissait. Dans un élan de fureur, il gifla violemment la jeune femme qui retomba sèchement sur le lit. La malheureuse pleurait, ce qui agaçait encore un peu plus le Proèdre.

         - Tu viens de trahir mon amour, hurla-t-il.

         Elia sécha ses pommettes roses mouillées par les larmes à l’aide de ses mains. Elle se releva du lit et se dressa devant son ami.

         - C’est par amour que j’ai décidé être honnête envers toi. Je ne voulais pas te bercer d’illusions. Ton père complote contre toi et il t’utilise comme un pion. Tant que tu lui seras utile, il ne tentera rien contre toi. Mais après il te sacrifiera sans la moindre pitié.

         - Tu m’as fait plus de mal que tous mes ennemis réunis. Tu vas quitter mon palais, je ne veux plus jamais te revoir.

         Les joues rosées d’Elia pâlirent d’inquiétude.

         - Que vais-je devenir ? Sappho a décidé de me perdre. Hors de ton palais, je suis condamnée à mort.

         Le Proèdre restait inflexible.

         - La prochaine fois, tu réfléchiras avant de parler à tort.

         Elia éclata de nouveau en sanglots. Le Proèdre, indisposé par les jérémiades de la jeune fille, fit appeler deux de ses gardes du corps.

         - Je me suis trompé, je ne peux pas te laisser quitter mon palais si facilement. Tu en sais beaucoup trop. Tu pourrais prévenir le Commandeur qu’un attentat se prépare contre lui. Tu pourrais également aller raconter à tout le monde que je vais perdre le combat contre Adonis. Si mon père devait avoir vent de telles inepties, il me retirerait immédiatement sa confiance.

         Elia reprenait ses esprits. Elle venait de comprendre où le Proèdre voulait en venir et essaya de s’échapper par la porte. Trop tard. Les deux gardes du corps arrivèrent au même moment et coupèrent sa retraite.

         Le Prince Eden donna quelques ordres secs aux soldats :

         - Emmenez-la dans une chambre du palais. Surveillez-la attentivement. Elle ne doit quitter ces lieux sous aucun prétexte.

         Elia griffait ses gardiens et se débattait avec toute la rage du désespoir. La rose qu’Eden avait passé dans ses cheveux tomba sur le sol.

         - Ta mauvaise réputation était justifiée et j’aurais dû écouter plus attentivement les conseils que l’on me prodiguait, pleura-t-elle amèrement. Ma seule consolation, c’est que tu viens de te perdre en me répudiant.

         Eden était resté superbement indifférent aux menaces d’Elia. Il avait attendu que ses deux gardes du corps emmènent la jeune femme hors de sa vue, puis était demeuré un long moment seul sur la terrasse du palais.

         Le Proèdre avait écrasé avec rage la rose traînait à ses pieds. Les pétales blancs immaculés furent souillés puis complètement déchiquetés par ses chaussures.

         De sombres pensées envahirent soudainement Eden. Il n’avait jamais douté des dons de voyance d’Elia. Alors pourquoi sa compagne n’avait-elle pas deviné que ses révélations risquaient d’entraîner sa répudiation ? Elia n’avait pas pu ne pas percevoir le danger auquel elle s’exposait en parlant à son amant en toute franchise. Et pourtant, elle avait pris ce risque insensé.

         Soudain, la réponse à cette question apparut évidente à Eden. Elia avait pris tous ces risques par amour pour lui. Elle savait qu’elle serait peut-être disgraciée, mais il était plus important à ses yeux de protéger et de prévenir son amant que d’assurer sa propre sécurité.

         Certains mensonges étaient plus agréables à entendre que la vérité. Elia avait choisi de dire la vérité, quoi qu’il puisse lui en coûter.

         Le Proèdre se rendit compte qu’il venait de commettre une terrible erreur d’appréciation. Une rage mêlée d’une douleur indescriptible l’étreignit. Il venait de condamner Elia par erreur et la jeune femme ne pourrait sans doute jamais lui pardonner cette injustice.

         Pire encore. Elia n’avait pas menti, le Proèdre n’avait pas d’avenir dans la joute nautique. Il allait perdre le combat contre Adonis et malgré cela, il se sentait incapable de renoncer à affronter son rival.

         Les dés en étaient jetés. Eden se sentait aspiré dans un tourbillon qui l’emportait à sa perte et il n’avait plus le courage de lutter. Il s’était résigné à perdre, contre Sappho et contre l’univers tout entier.

 

Chapitre 10                                                                Chapitre 12    

 

Partager cet article
Repost0
22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 18:39

 

La planète Bello est la seule planète de l'univers à résister à l'empire galactique fondé par Etran. Cette planète doit son indépendance au secret de ses coordonnées galactiques. Sans quoi, les troupes impériales surarmées auraient vite fait d'envahir la petite planète jaune.

 

Bello abrite les redoutables guerrières Amazones dirigées par la reine Adwa.

 

Cette dernière, âgée d'une quarantaine d'années a de longs cheveux blonds et des yeux aux iris dorés.

 

Adwa

 

Dans le Mensékhar, Adwa est la mère d'Adonis, le jeune héros du roman.

 

Dans la mythologie grecque, la mère d'Adonis s'appelle Myrrha. Elle est la fille de Cinyras, roi de Chypre. Sa légende est contée notamment dans les Métamorphoses d'Ovide.  La déesse Aphrodite, dont Myrrha avait négligé le culte, la punira en faisant en sorte qu'elle tombe amoureuse de son père. La jeune fille fera appel à sa nourrice pour rejoindre le lit paternel. Le père découvrira un jour avec effroi que le visage de sa maîtresse est sa propre fille et cherchera à la tuer. Myrrha, enceinte de son père, est abandonnée à elle-même dans les bois où elle erre pendant neuf lunes. Les dieux la transformeront en arbre à myrrhe pour la protéger de la vengeance de son père et la myrrhe serait ses larmes ayant coulé lors de sa transformation. Myrrha accouche d'Adonis par une fente de son écorce.

 

Dans le Mensékhar, tout comme dans la mythologie grecque, Adonis est le fils d'un amour interdit. La reine Adwa s'est éprise de l'empereur Sheshonq qui est l'ennemi hériditaire de son peuple. Elle trahit une seconde fois ses congénères en mettant au monde un fils : les Amazones ont en effet le pouvoir de choisir le sexe de leur enfant, elles ne mettent au monde que des filles. Les Amazones qui enfreignent cette loi sont considérées comme des renégates et sont exclues de la communauté.

 

Pour éviter la honte de cette liaison, Adwa abandonne Adonis sur la Planète-Mère et retourne vivre auprès de son peuple sur Bello.

 

La reine des Amazones apparaît brièvement dans le Mensékhar au chapitre 5. Ce n'est que dans la troisième partie du livre qu'Adwa et les Amazones prendront toute leur place dans l'histoire.

 

Partager cet article
Repost0